Free cookie consent management tool by TermsFeed

Le Conseil de l’Europe clôt l’affaire, les atteintes aux droits des prisonniers perdurent

Le 9 mars 2023, le Comité des ministres du Conseil de l’Europe a clôturé l’affaire Duval c. France, relative aux extractions de personnes détenues pour raison médicale*. Les délégués des ministres, qui ont pour rôle de surveiller l’exécution par les États des arrêts de condamnation rendus par la Cour européenne des droits de l’homme, ont estimé que celui-ci avait été exécuté.

Le 9 mars 2023, le Comité des ministres du Conseil de l’Europe a clôturé l’affaire Duval c. France, relative aux extractions de personnes détenues pour raison médicale[1]. Les délégués des ministres, qui ont pour rôle de surveiller l’exécution par les États des arrêts de condamnation rendus par la Cour européenne des droits de l’homme, ont estimé que celui-ci avait été exécuté.

Douze ans plus tôt, la France avait en effet été condamnée pour traitements inhumains et dégradants : le fait d’être simultanément entravé et menotté lors des transferts à l’hôpital et pendant les consultations médicales, auxquelles assistaient constamment des membres de l’escorte même lorsqu’elles présentaient un caractère intime, était disproportionné au regard des nécessités de sécurité. « Pareilles contraintes et surveillances ont pu causer au requérant un sentiment d’arbitraire, d’infériorité et d’angoisse caractérisant un degré d’humiliation dépassant celui que comporte inévitablement les examens médicaux des détenus », précisait la Cour[2].

Dans sa décision, le Comité des ministres précise simplement avoir examiné « le bilan d’action fourni par le gouvernement indiquant les mesures adoptées ». Les données issues du terrain montrent pourtant une situation encore alarmante. Déjà en 2020, dans une communication adressée au Comité des ministres, la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté constatait « de nombreux décalages entre la théorie et la pratique » et un « recours aux moyens de contraintes lors des extractions médicales quasi-systématique et souvent disproportionné »[3].

Une enquête publiée par l’OIP en 2022[4], communiquée aux délégués des ministres, présentait des résultats similaires[5]. Les réponses des personnes détenues au questionnaire adressé par l’association confirmaient un usage encore généralisé et excessif des moyens de contrainte. Une large majorité d’entre elles témoignaient en effet être extraites avec menottes et un moyen de contrainte supplémentaire (entrave, ceinture abdominale ou les deux), et ce même lorsqu’elles bénéficiaient par ailleurs de permissions de sortir. Les entraves étaient également maintenues pendant la consultation médicale, selon les deux tiers des prisonniers répondants. Une pratique qui, outre qu’elle porte atteinte à la dignité, affecte la qualité des soins prodigués. L’enquête révélait aussi une violation récurrente du secret médical : trente-neuf répondants affirmaient que l’escorte était présente pendant la consultation ou l’examen, contre seulement cinq qui avaient pu être seules avec le médecin. Ces conditions conduisent de nombreuses personnes détenues à renoncer aux extractions et à se priver de soins, occasionnant des retards de diagnostics ou de prise en charge aux conséquences parfois dramatiques[6].

Les autorités françaises ne garantissent donc toujours pas que les moyens de contrainte et de surveillance soient individualisés et strictement proportionnés comme l’exigeait la Cour dans sa condamnation. Les atteintes aux droits fondamentaux des prisonniers que cela engendre ne pourront cesser que si les besoins sanitaires priment, enfin, sur les logiques sécuritaires et carcérales. Pour cela, il est notamment nécessaire de généraliser les permissions de sortir pour raisons médicales et de créer un niveau d’escorte sans moyen de contrainte qui soit applicable par défaut.

Par Prune Missoffe

Cet article est paru dans la revue DEDANS DEHORS n°119 – août 2023 : Discipline en prison : la punition dans la punition


[1] Résolution CM/ResDH(2023)28, Exécution de l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme Duval contre France, 9 mars 2023.

[2] CEDH, Duval c. France, requête n°19868/08, arrêt définitif le 26/08/2011, para.52.

[3] Communication du CGLPL relative à l’affaire DUVAL c. France, DH-DD(2020)33, 03/01/2020.

[4] « La santé incarcérée, enquête sur l’accès aux soins spécialisés en prison », OIP-SF, juillet 2022.

[5] Communication de l’OIP relative à l’affaire DUVAL c. France, DH-DD(2022)840, 29/07/2022.

[6] « Un retard de prise en charge dramatique », Dedans Dehors n°115, juin 2022.