Saisi par l’OIP, le Conseil d’État s’est prononcé sur les décrets d’application de la loi pénitentiaire par trois arrêts rendus le 7 juillet 2012. La Haute Juridiction confirme la légalité des dispositions des textes attaqués, à l’exception de l’article 31 du décret du 30 décembre 2010 portant code de déontologie du service public pénitentiaire, dont elle prononce l’annulation partielle.
Cet article prévoyait que les intervenants extérieurs à l’administration pénitentiaire ne peuvent avoir de relations personnelles autres que celles imposées par leur mission avec « des personnes placées ou ayant été placées par décision de justice sous l’autorité ou le contrôle de l’établissement dans lequel ils interviennent ». Pour le Conseil d’État, cette restriction se justifie pour les relations avec les personnes actuellement détenues et leurs proches. Mais en l’étendant aux personnes ayant été détenues et à leurs proches, « l’article 31 du décret attaqué instaure une interdiction générale, de caractère absolu et sans aucune limitation de durée », qui méconnaît le droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. A propos du même décret, l’OIP critiquait l’obligation pour les personnes concourant au service public pénitentiaire de se conformer, sans limitation, à toute consigne imposée par l’administration pour des raisons de sécurité. Le Conseil d’État admet la légalité de cette injonction. Mais il prend soin de rappeler que ces consignes ne sauraient méconnaître l’obligation faite à l’administration pénitentiaire de garantir « à toute personne détenue le respect de sa dignité, [de] respecte[r] le secret médical des personnes détenues ainsi que le secret de la consultation et que tout accouchement ou examen gynécologique […] se déroule sans entraves et hors la présence du personnel pénitentiaire ». Dans cette perspective, le Conseil d’État avait déjà eu l’occasion de préciser que les personnes détenues ne sont pas tenues de se soumettre à un ordre de l’administration qui serait « manifestement de nature à porter une atteinte à la dignité de la personne humaine » (CE, 20 mai 2011, B. et OIP, n° 326084).
S’agissant du décret n° 2010-1634 du 23 décembre 2010, l’OIP contestait la procédure disciplinaire applicable aux détenus, soutenant tout d’abord que cette procédure méconnaît le droit à un procès équitable garanti par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme. Conformément à sa jurisprudence antérieure, le Conseil d’État écarte la critique en estimant que cette garantie n’est pas applicable à la procédure disciplinaire dans les établissements pénitentiaires. L’OIP invoquait par ailleurs la méconnaissance du principe d’impartialité résultant de ce que le chef d’établissement, ou son délégataire, cumule à la fois le pouvoir d’engager les poursuites disciplinaires et de prononcer les sanctions. Le Conseil d’État rejette ce grief tout en formulant une exigence. La lecture de l’acte par lequel le chef d’établissement décide de l’opportunité de poursuivre la procédure disciplinaire « ne saurait […] donner à penser que les faits visés sont d’ores et déjà établis ou que leur caractère répréhensible au regard des règles à appliquer est d’ores et déjà reconnu ». En troisième lieu, était critiqué le fait que le droit à l’assistance d’un interprète dans le cadre de la procédure disciplinaire ne devait être assuré par l’administration pénitentiaire que « dans la mesure du possible ». La Haute Juridiction confirme la disposition tout en affirmant « qu’il incombe à l’administration pénitentiaire d’accomplir toutes les diligences nécessaires pour que la personne détenue dispose de l’assistance d’un interprète » et qu’ainsi, « sauf le cas dans lequel il s’avérerait matériellement impossible d’en trouver un, la personne détenue a droit à une telle assistance ». En quatrième lieu, le juge souligne que si l’opportunité de l’audition de témoins relève de la seule appréciation du président de la commission de discipline, la personne poursuivie « peut toujours demander à faire entendre des témoins par la commission, sa demande devant être consignée sur la procédure disciplinaire ».
Enfin, l’OIP avait critiqué les dispositions du décret relatives aux fouilles en détention au motif qu’elles autorisaient un usage régulier des fouilles intégrales contrairement à ce que prévoit la loi pénitentiaire Là encore, le Conseil d’État écarte l’objection tout en soulignant que ces dispositions « n’ont pas pour objet et ne sauraient légalement avoir pour effet de méconnaître la portée des dispositions législatives dont il résulte, d’une part, que les mesures de fouilles ne sauraient revêtir un caractère systématique et doivent être justifiées par la présomption d’une infraction ou par les risques que le comportement des personnes détenues fait courir à la sécurité des personnes et au maintien du bon ordre de l’établissement et, d’autre part, que les fouilles intégrales revêtent un caractère subsidiaire par rapport aux fouilles par palpation ou à l’utilisation de moyens de détection électronique ».
CE, 11 juillet 2012, n° 347148, n° 347146 et n°347147
Nicolas Ferran