Free cookie consent management tool by TermsFeed

L’impossible réforme ?

Éditorial de la revue Dedans-Dehors n°81

C’était un axe majeur du projet politique de Christiane Taubira. L’enfermement ne serait plus « la seule réponse, la seule peine, la seule référence ». La course effrénée à la construction de prisons serait ralentie au bénéfice d’une « politique pénale claire », reposant sur l’aménagement des peines et la création d’une peine de probation, déconnectée de toute référence à l’emprisonnement. « Il y a des années qu’on sait que la prison, sur les courtes peines, génère de la récidive, c’est presque mécanique. Il faut arrêter ! », s’exclamait la garde des Sceaux.

L’avant-projet de loi pénale manque l’objectif. Certaines dispositions s’inscrivent même dans une logique inverse. Avec la loi du 24 novembre 2009, la droite avait permis aux magistrats d’examiner avant leur exécution les peines de prison inférieures à deux ans (un an pour les récidivistes), en vue de leur éventuel aménagement : conversion en surveillance électronique, semi-liberté, etc. La gauche veut ramener ce seuil à un an (six mois pour les récidivistes). Avec pour conséquence immédiate un bond des incarcérations – plus 5 à 10 000, selon les estimations. Certes, le texte apporte des avancées en matière d’individualisation des peines, dont l’abrogation des peines plancher et la suppression des révocations automatiques de sursis. Mais leurs effets sur le taux d’emprisonnement demeurent incertains. Il serait aussi illusoire d’attendre des effets significatifs de la création de la « contrainte pénale », pâle copie d’une peine de probation qui devait nous faire changer de paradigme : passer d’une culture du châtiment (« payer » la souffrance causée par la souffrance subie), à une culture de la réhabilitation.

Il y a un an, essuyant le premier feu des procès en laxisme, Mme Taubira s’interrogeait : « Est-ce que, dans ce pays, les gens ont renoncé au raisonnement et à l’intelligence ? Ne peut-on pas débattre du sens de la peine, du fait que le tout-carcéral augmente les risques de récidive ? » A voir les couteaux sortis de l’opposition, la litanie de contre-vérités relayées par les médias, le report de l’examen du projet de loi après les élections, l’absence criante de projet du Gouvernement pour changer la prison, il est permis de douter.

Sarah Dindo