Free cookie consent management tool by TermsFeed

Violences et conditions de détention indignes à la Prison de Tarbes : l’inquiétante indifférence du Conseil d’État

Dans une décision rendue le 27 septembre 2024, le juge des référés du Conseil d’État a rejeté l’ensemble des demandes d’injonction formulées par l’OIP-SF et cinq autres associations* afin que cessent les atteintes manifestes aux droits fondamentaux des personnes détenues à la prison de Tarbes.

À l’audience qui s’est tenue devant le Conseil d’État le 28 août dernier, la Contrôleure générale des lieux de privation (CGLPL), Dominique Simonnot, prévient : la situation découverte à la maison d’arrêt de Tarbes « est l’une des plus épouvantables qui lui ait été donnée de connaître depuis son entrée en fonction ».

Quelques semaines plus tôt, l’autorité de contrôle avait fait paraître des recommandations en urgence qui alertaient sur la « violation grave des droits fondamentaux des personnes » détenues dans cet établissement. Ses constats, dressés après un déplacement sur les lieux, étaient éloquents : surpopulation, encadrement défaillant, vétusté et insalubrité des cellules, prolifération de nuisibles, personnes détenues souffrant de la faim, offre de travail et d’activités « quasi-inexistante », etc. Mais plus encore, la CGLPL avait pu établir l’impensable, à savoir la perpétuation, depuis plusieurs années, de violences, sévices et actes malveillants graves, tels que des coups, insultes, humiliations, moqueries, menaces et autres exactions -, subies par les personnes détenues de la part d’agents pénitentiaires, et l’existence d’une cellule dédiée à cette maltraitance. La cellule 130 – assimilable à une véritable salle de torture – était alors identifiée comme le lieu où les personnes détenues étaient « régulièrement brutalisées et arbitrairement enfermées, parfois durant des heures ».

Après avoir saisi le juge des référés du tribunal administratif de Pau, qui n’avait ordonné qu’une seule mesure sur la vingtaine réclamée – le cloisonnement des toilettes dans les cellules collectives de la maison d’arrêt de Tarbes – l’OIP et ses partenaires se sont tournés vers le Conseil d’État pour que d’autres mesures de protection des droits fondamentaux des personnes détenues soient prescrites par la Haute Juridiction. Les organisations requérantes se sont appuyées, au-delà des recommandations en urgence de la CGLPL, sur un rapport de visite de la députée Sylvie Ferrer qui, quelques semaines avant l’audience, s’était rendue à son tour dans l’établissement et confirmait la persistance des conditions indignes de détention.

Dans une ordonnance du 27 septembre 2024, le juge des référés du Conseil d’État a donc décidé de regarder ailleurs en rejetant l’ensemble des demandes formulées par les associations. Demander à l’administration qu’elle sollicite auprès des autorités judiciaires la suspension provisoire des incarcérations pour faire baisser la surpopulation ? Un “choix de politique publique” qui ne relève pas du juge des référés. Engager des travaux de rénovation des cellules et du mobilier abîmé, de réfection des systèmes électriques défaillants, ou de drainage des eaux de pluie qui stagnent sur le terrain de sport, le rendant glissant et dangereux pour la personne détenue ? Des mesures trop importantes pour pouvoir être ordonnées en référé. Renforcer la lutte contre les nuisibles, jugée insuffisante par la CGLPL ? Il ne serait pas démontré que cela s’avère nécessaire. Remédier à l’insuffisance des équipements sportifs, installations sanitaires et abris en cours de promenade ? Le problème n’est pas assez grave pour justifier l’intervention du juge des référés, etc.

Concernant la question particulièrement alarmante des violences et mauvais traitements subis par les personnes détenues, le Conseil d’État relève « qu’une procédure pénale concernant des faits [de violences] commis le 2 mars 2024 et une enquête judiciaire sont en cours » et que « des procédures disciplinaires ont été engagées contre les personnels impliqués ». Alors que la CGLPL insistait, au-delà du comportement violent de certains surveillants, sur « l’inertie fautive de l’encadrement », « l’absence de cadre, la passivité de tous et le défaut d’intervention de la hiérarchie en cas de manquements déontologiques ou de fautes professionnelles » ayant favorisé « l’émergence et la persistance de pratiques dysfonctionnelles » gravement attentatoires aux droits fondamentaux pendant plusieurs années, la Haute Juridiction estime qu’une formation « éthique-déontologie » dispensée à 23 membres du personnel de l’établissement en avril 2024 serait une réponse suffisante…

À rebours de ce qu’exige la situation actuellement dramatique des prisons françaises surpeuplées, la décision rendue par le Conseil d’État semble envoyer un signal : celui d’une Haute Juridiction qui renonce à son rôle de défenseure des droits fondamentaux des personnes incarcérées.

L’Observatoire international des prisons s’alarme d’une telle démission du Conseil d’État concernant la sauvegarde de la dignité des personnes détenues.

Contact presse : Sophie Deschamps · 07 60 49 19 96 ·  sophie.larouzeedeschamps@oip.org

*L’Association des avocats pour la défense des droits des détenus (A3D), la Ligue des droits de l’homme (LDH), le Conseil national des barreaux (CNB), l’Association des avocats pénalistes (ADAP) et la Fédération nationale des unions de jeunes avocats (FNUJA)