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Quand les appels au secours se perdent dans la nuit

Lorsqu’une personne détenue rencontre un problème la nuit, elle peut normalement alerter les surveillants au moyen d’un interphone, placé dans sa cellule. Mais il arrive que personne ne réponde. Problème technique ou négligence du personnel, ces situations peuvent mettre en danger les personnes détenues et alimentent toutes les angoisses.

Au mois de février 2019, une personne incarcérée à la maison d’arrêt de Grasse fait de nuit une tentative de suicide médicamenteuse. Son codétenu, monsieur D., appelle alors à l’aide au moyen de l’interphone de la cellule, relié au poste de centralisation de l’information. Problème : celui-ci « ne fonctionn[e] pas », constate-t-il. Il tente alors par différents moyens d’alerter les surveillants : « J’ai tapé à la porte, alerté mes voisins, fait brûler des papiers à la fenêtre pour être vu par le mirador, mais personne n’a répondu à mes appels. » Dans l’attente de secours qui ne viennent pas, il place son codétenu inconscient en position latérale de sécurité. Ce n’est qu’à la faveur de la ronde de nuit, une heure et demie plus tard, que celui-ci sera finalement pris en charge. Depuis cet incident, Monsieur D. s’inquiète : « J’ai vécu une heure et demie de stress, d’angoisse, de panique. J’ai moi-même des problèmes de santé, que va-t-il se passer s’il m’arrive quelque chose ? » Une angoisse partagée par de nombreux détenus quand vient la nuit, dénonçait le Contrôle général des lieux de privation de liberté (CGLPL) à l’occasion d’un rapport paru en juillet(1). Interpellée sur cet incident, l’administration n’a pas donné suite à nos demandes. Lors de sa visite de la prison de Grasse en 2014, le CGLPL notait déjà qu’une grande partie des interphones dysfonctionnaient. Il soulignait qu’« une personne détenue, dont l’état de santé nécessitait a priori une intervention médicale, a été prise en charge seulement au matin car son interphone ne fonctionnait pas ». Une autre, souffrant d’une rage de dent, avait appelé toute la nuit, sans recevoir de réponse. À la suite de ce rapport, des travaux de rénovation ont été entrepris sans permettre, semble-t-il, de régler la situation. Persistance du problème technique ou négligence des agents pénitentiaires ? « Les équipes de nuit ont horreur d’être dérangées par interphone, je l’ai vu. En même temps, c’est vrai qu’il y a des détenus qui s’amusent à jouer avec pour les ennuyer. Au milieu de cela, l’appel au secours a toutes les chances de ne pas être entendu », déplorait l’ancien Contrôleur général Jean-Marie Delarue en 2018(2).

par Charline Becker


L’État en faute

En 2013, un problème d’interphone à la prison de Metz avait entraîné la mort d’une personne détenue. Au terme de six années de procédure, l’administration pénitentiaire a été condamnée en juin 2019 à indemniser, au titre du préjudice moral, la famille de la personne décédée. Le tribunal administratif a ainsi estimé que la défaillance des interphones était une faute de nature à engager la responsabilité de l’État*.
*« L’interphone ne répond pas : défaillance fatale à la prison de Metz », Le Point, 21 juin 2019.


(1) CGLPL, La nuit dans les lieux de privation de liberté, Dalloz, 2019.
(2) « S’intéresser à leur vie », Dedans Dehors n° 101, octobre 2018.

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