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Quelques évolutions dans la lutte contre la pauvreté en prison

L’administration pénitentiaire avait annoncé en fin d’année le doublement de la somme allouée à la lutte contre la pauvreté afin de revaloriser l’aide versée aux personnes détenues sans ressources suffisantes. Une amélioration concrétisée par le gouvernement début mars au côté d’autres évolutions bienvenues, mais insuffisantes.

Alors que la part des personnes dites sans ressources suffisantes a plus que doublé ces dix dernières années(1), le gouvernement a, début mars, édicté un décret(2) et publié une circulaire qui actualisent les dispositifs de lutte contre la pauvreté des personnes détenues et sortant de détention(3). Les nouveautés les plus attendues portent sur les aides financières (dite « numéraires ») versées aux prisonniers les plus pauvres. Elles concernent désormais ceux dont les ressources mensuelles sont inférieures à 60 € – contre 50 € auparavant – et leur montant, qui était gelé depuis 2013, passe de 20 à 30 € par mois. Indispensable, cette avancée est néanmoins loin d’être suffisante pour garantir une vie digne en détention. Dans un récent rapport, Emmaüs et le Secours catholique prônaient ainsi la revalorisation de cette dotation mensuelle à au moins 50 €(4). Le montant de l’« aide d’urgence forfaitaire » pour les arrivants dits « dans le besoin »(5), lui, stagne à 20 €. Autre nouveauté à saluer : il n’est plus possible de retirer l’aide numéraire à une personne détenue qui refuserait une activité rémunérée qui lui serait proposée en détention. Elle devient dès lors inconditionnelle, au même titre que les aides en nature.

Renouvellement du kit arrivant, vêtements adaptés, mise à disposition gratuite de la télévision, prise en charge des frais médicaux non couverts, des photographies nécessaires aux documents d’identité, et des frais d’obsèques d’une personne détenue décédée : jusque-là réservées aux prisonniers sans ressources suffisantes, la quasi-totalité des aides en nature est désormais accordée à ceux détenant moins de 100 €. À une exception près : l’aide accordée en cas de séjour en unité de vie familiale – par ailleurs augmentée de 10 à 12 € par jour et par personne présente – reste le privilège des bénéficiaires de l’aide numéraire. De nouvelles aides sont par ailleurs entérinées par la circulaire : la mise à disposition gratuite d’un réfrigérateur « si le réseau électrique le permet », l’élargissement de la prise en charge des photographies aux demandes d’asile et de titre de séjour, la prise en charge du titre de transport ou des chèques multi-services nécessaires à une permission de sortie en vue de la réinsertion, et celle de l’assurance responsabilité civile des enfants vivant auprès de leur mère en détention. Il n’est en outre plus nécessaire de justifier d’une participation régulière aux activités physiques et sportives pour se voir fournir gratuitement une tenue de sport.

Pas de changement sur les aides à la sortie

Pour ce qui concerne les dispositions relatives aux ressources accordées à la sortie, elles sont encore loin d’être à la hauteur des enjeux. Outre que le retrait de la carte téléphonique – devenue obsolète – n’est pas compensé par un dispositif alternatif de crédit mobile, la circulaire se contente de recenser quelques bonnes pratiques sans procéder à leur généralisation. Elle entérine ainsi le fait que les dispositifs de lutte contre la pauvreté dépendent entièrement de la volonté de la direction de l’établissement et des politiques mises en place par chaque service pénitentiaire d’insertion et de probation (Spip) localement. Mais qu’elles soient impératives ou seulement incitatives, le principal enjeu reste celui de l’application de ces dispositions sur le terrain : comme le relevaient récemment Emmaüs et le Secours catholique dans leur rapport, retraits arbitraires des aides, délais de remise particulièrement longs, quantités insuffisantes ou encore renouvellements aléatoires sont régulièrement constatés. L’évaluation annuelle d’impact de cette politique par la Direction de l’administration pénitentiaire – prévue par la circulaire – devra, à ce titre, faire l’objet d’une particulière vigilance.

Par Prune Missoffe

(1) Budget général du ministère de la Justice – Projet annuel de performances de l’administration pénitentiaire (programme 107) en vue de la loi de finances pour 2022.
(2) Décret n° 2022-291 du 1er juin 2022 modifiant le code de procédure pénale (troisième partie : décrets) et relatif aux aides versées aux personnes détenues dépourvues de ressources suffisantes.
(3) NOR : JUSK2204097C.
(4) « Au dernier barreau de l’échelle sociale : la prison », octobre 2021.
(5) Concerne les arrivants dont les valeurs détenues à la mise sous écrou sont inférieures à 20 €.