Éditorial de la revue Dedans-Dehors n° 87, avril 2015
C’est une conversation entre Barack Obama et l’auteur de la série The Wire. Une vidéo postée sur le site de la Maison-Blanche. Le Président a souhaité échanger avec David Simon sur l’incarcération de masse aux Etats-Unis. Simon précise que l’on incarcère pour des durées de plus en plus longues, pour des faits moins graves : la proportion de condamnés pour des violences dans les prisons fédérales est passée de 34 à 7 % en treize ans. Et Obama de pointer l’effet contre-productif de cette politique : « Les détenus coûtent trés cher à l’Etat, alors qu’ils deviennent souvent de pires criminels une fois en prison. Ils sortent, ne trouvent pas de travail et finissent de nouveau en prison. » Simon renchérit : « Ils sortent complètement grillés. Ils ne peuvent pas voter. Ils ne peuvent pas prendre part à la communauté. » Obama aborde le défi de convaincre le grand public. Ce discours n’est « pas populaire parce que personne ne veut trouver d’excuses aux criminels ». Dans le propos du président, l’argument de la « ruine fiscale » pour une politique d’incarcération « qui ne marche pas » revient plusieurs fois. Il faut dire que nous dépensons « plus pour emprisonner ces jeunes que cela nous coûterait si on les envoyait à l’école et même à l’université ». Deuxième argument pour convaincre : « Réhumaniser ceux qui sont présentés dans les médias comme des rebuts de la société » en racontant « leurs histoires ». Un air d’Ils sont nous se jouerait-il outre-Atlantique ? Philippe Claudel, l’un des auteurs de Passés par la case prison poursuit la campagne de l’OIP dans Nous sommes Charlie, un recueil de textes post-attentats. « J’ai lu et entendu qu’ils étaient des monstres. Leurs actes sont monstrueux (…). Mais ils ont été commis par des hommes qui sont nés et ont grandi dans une société qui est la nôtre, (…) leur nature profonde n’était pas différente de la nôtre, l’école qu’ils ont fréquentée était la nôtre, ils ont grandi sous des présidences que nous avons connues »… « En quelque sorte, ils sont nous, et nous sommes eux. » Une approche à rebrousse-poil du besoin d’exclure, de réprimer par la force « légitime », de parquer dans des unités pénitentiaires pour radicaux… Non par naïveté, mais pour agir sur les causes profondes, au lieu de lancer des flammes dignes d’un Patriot Act, carbonisant chaque jour un peu plus les libertés et le vivre ensemble.
Sarah Dindo