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Réveils nocturnes des « détenus particulièrement signalés »

« Se reposer pendant la nuit devient impossible. Nous sommes fatiguées la journée et nos corps ne tiennent plus ce rythme », alertent des femmes détenues au centre pénitentiaire de Poitiers-Vivonne.

Dénoncés par le Comité européen pour la prévention de la torture (CPT) depuis plus de trois ans, les contrôles avec réveil nocturne perdurent : l’œilleton de la porte de la cellule est ouvert avec le bruit que cela engendre, la lumière est allumée, parfois jusqu’à ce que le détenu bouge… Certains détenus se plaignent de contrôles toutes les deux heures entre 19 heures et 6 heures, avec allumage systématique de la lumière. Ils ont proposé en vain à l’administration de « laisser l’œilleton ouvert pendant la nuit pour éviter les bruits, tout en acceptant de dormir avec une petite lumière allumée », pour mettre fin à ces réveils « insoutenables ». Un détenu de la maison centrale de St-Maur s’est plaint pour sa part en janvier 2014 à la direction de réveils nocturnes aléatoires depuis plus d’un an (deux fois par nuit, puis une fois par semaine autour de 3 heures du matin). Il lui a été répondu que cette mesure était liée « au contrôle nécessaire exercé envers les personnes inscrites au répertoire des DPS ».

Un statut qu’il aurait déjà depuis 18 ans et qui a été renouvelé en octobre 2013. Des avocats signalent des pratiques similaires à Fleury-Mérogis et Bois-d’Arcy. Des procédures en « référé-suspension » vont être introduites devant le tribunal administratif par certains détenus, assistés par l’OIP, pour tenter de faire cesser de telles pratiques.

A aucun moment, les chefs d’établissement interrogés n’ont pu préciser quel texte autorisait explicitement les réveils nocturnes. Interpellé par le CPT suite à une visite fin 2010, le gouvernement évoque deux notes de la direction de l’administration pénitentiaire, dont celle du 31 juillet 2009, prévoyant qu’à l’égard des détenus « repérés comme présentant des risques d’évasion », peuvent être prévus des « contrôles œilleton » de nuit toutes les trois heures. Il en déduit que « par construction, les personnes inscrites au répertoire DPS sont considérées présenter un risque d’évasion ou de dangerosité de particulier et font l’objet, à ce titre, d’une surveillance spécifique ». Il limite cependant l’intervention à un « contrôle visuel de la cellule réalisé au moyen de l’œilleton dans le but de s’assurer de la présence de la personne détenue et de la visibilité du barreaudage. En cas de doute, et dans ce cas seulement, les agents sont autorisés à allumer la veilleuse de la cellule […] et sans qu’il soit demandé à la personne détenue d’effectuer un quelconque mouvement ». Déjà très contestable en elle-même, cette mesure s’avère pratiquée de façon plus large : dans son rapport de visite, publié le 19 avril 2012, le CPT signalait que « la quasi-totalité des DPS avec lesquels la délégation s’est entretenue se sont plaints d’être réveillés toutes les heures par les surveillants qui allumaient la lumière dans les cellules lors des rondes de nuit ». Étant donné les « conséquences néfastes pour la santé des détenus » d’une telle mesure, le CPT recommandait de « revoir les modalités de la surveillance nocturne des détenus particulièrement signalés, dans tous les établissements pénitentiaires en France ». L’OIP a sollicité sans succès auprès de la direction de l’administration pénitentiaire la communication d’une nouvelle circulaire sur la surveillance des DPS, diffusée par le ministère de la Justice fin 2013. Et demande que soit formellement proscrit tout réveil nocturne, la privation de sommeil pouvant s’apparenter à un traitement cruel, inhumain et dégradant.

OIP