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Surpopulation : l’Italie condamnée par la Cour européenne

La Cour européenne des droits de l’homme a condamné l’Italie dans un arrêt du 8 janvier 2013 pour avoir imposé à des détenus d’occuper à trois des cellules de 9 m2, dépourvues d’eau chaude et d’éclairage suffisant.

En cas de « surpopulation sévère », la Cour considère ainsi que le manque d’espace en cellule est suffisant pour conclure à l’existence d’un traitement inhumain et dégradant (sur le fondement de l’article 3 de la Convention). « En règle générale, précise le juge européen, bien que l’espace estimé souhaitable par le CPT pour les cellules collectives soit de 4 m2 » par occupant, la violation de l’article 3 est retenue lorsque « l’espace personnel accordé à un requérant était inférieur à 3 m2 ». Et même si la surpopulation n’atteint pas un tel niveau, elle peut aussi être prise en compte dans le sens d’une méconnaissance de la Convention européenne des droits de l’homme. Ainsi, « même dans des affaires où chaque détenu disposait de 3 à 4 m2, la Cour a conclu à la violation de l’article 3 dès lors que le manque d’espace s’accompagnait d’un manque de ventilation et de lumière […] ; d’un accès limité à la promenade en plein air […] ou d’un manque total d’intimité dans les cellules », précise l’arrêt.

La Cour européenne tient également compte de la situation des personnes détenues pour lesquelles il est souvent difficile d’apporter la preuve des faits qu’elles invoquent. « Sensible à la vulnérabilité particulière des personnes se trouvant sous le contrôle exclusif des agents de l’État, telles les personnes détenues », elle réaffirme que l’application du principe selon lequel « la preuve incombe à celui qui affirme » ne peut souffrir d’une application rigoureuse dans le cas des prisonniers, car « inévitablement, le gouvernement défendeur est parfois seul à avoir accès aux informations susceptibles de confirmer ou d’infirmer les affirmations du requérant ». Dès lors, « le simple fait que la version du Gouvernement contredit celle fournie par le requérant ne saurait, en l’absence de tout document ou explication pertinents de la part du Gouvernement, amener la Cour à rejeter des allégations de l’intéressé comme non étayées ».

Enfin, l’arrêt rendu contre l’Italie se distingue par l’injonction faite aux autorités de mettre en place, « sans retard […] un recours ou une combinaison de recours ayant des effets préventifs et compensatoires et garantissant réellement une réparation effective des violations de la Convention résultant du surpeuplement carcéral en Italie ». En effet, la Cour relève qu’un tel recours n’existe pas actuellement en Italie. S’il est possible pour les détenus de faire une réclamation, elle souligne que ce recours, « bien qu’accessible, n’est pas effectif en pratique, dans la mesure où il ne permet pas de mettre rapidement fin à l’incarcération dans des conditions contraires à l’article 3 de la Convention ». Dans le cadre des injonctions adressées au gouvernent italien, la Cour refuse d’imposer un recours moins fréquent à l’incarcération. Elle estime en effet qu’il ne lui appartient pas « d’indiquer aux États des dispositions concernant leurs politiques pénales et l’organisation de leur système pénitentiaire. Ces processus soulèvent un certain nombre de questions complexes d’ordre juridique et pratique qui, en principe, dépassent la fonction judiciaire de la Cour ». Pour autant, la Cour tient à rappeler « les recommandations du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe invitant les États à inciter les procureurs et les juges à recourir aussi largement que possible aux mesures alternatives à la détention et à réorienter leur politique pénale vers un moindre recours à lenfermement dans le but, entre autres, de résoudre le problème de la croissance de la population carcérale ».

Le recours à la procédure de l’arrêt-pilote, choisie par la Cour, accroît la visibilité de la décision. Elle s’applique aux « affaires répétitives » trouvant leur origine dans un dysfonctionnement chronique du droit interne d’un état. Lorsque la Cour est saisie d’un grand nombre de requêtes à peu près identiques, l’arrêt-pilote lui permet de traiter en priorité une ou plusieurs d’entre elles et d’indiquer ainsi au gouvernement concerné les mesures qu’il doit prendre pour remédier à une situation qui viole la Convention européenne. Les autres affaires pendantes sont alors gelées jusqu’à ce que les mesures adéquates soient prises pour améliorer la situation. Si les autorités n’exécutent pas l’arrêt-pilote, la Cour peut toujours réactiver les affaires pendantes et prononcer de nouvelles condamnations. Cet arrêt ouvre ainsi une voie dans laquelle pourraient s’engager bien des détenus des prisons françaises, confrontés aux mêmes conditions de surpopulation.

Cour européenne des droits de l’homme, 8 janvier 2013, Torregiani et autres c/Italie