mai 2024
Début 2023, l’OIP alertait sur la situation de Monsieur R., alors âgé de 69 ans, incarcéré depuis 2019 et atteint de nombreuses pathologies chroniques*. Malgré une expertise indiquant que « son état de santé n’[était] durablement pas compatible avec le maintien en détention » et que son espérance de vie à deux ans était fortement réduite, sa demande de suspension de peine pour raison médicale a été rejetée le 30 janvier 2023. Il reste depuis lors incarcéré, envers et contre tout.
Transféré au Centre national d’évaluation (CNE) de Réau en octobre 2023, puis au centre de détention de Melun en janvier 2024, Monsieur R. y a été affecté dans des cellules aménagées pour les personnes à mobilité réduite (PMR) – mais qui restent inadaptées à son état : à Melun, la cellule est trop étroite pour qu’il puisse tourner avec son fauteuil roulant, et la barre de maintien des sanitaires était cassée à son arrivée. Malgré plusieurs relances, il aura fallu de longs mois pour qu’une barre soit à nouveau fixée, et plus d’un an pour que son fauteuil, endommagé, soit réparé.
La situation de Monsieur R. est aggravée par le manque de personnel formé et d’auxiliaires dédiés aux personnes en situation de handicap. Lors de son transfert à Réau, quand il a demandé si des auxiliaires étaient disponibles, il s’est vu rétorquer que cela coûterait « trop cher » et qu’il devait se débrouiller seul. Résultat : d’importantes douleurs, et un isolement toujours plus prégnant.
Les transferts successifs de Monsieur R. ont également entraîné des ruptures dans sa prise en charge médicale : une opération de la cataracte, prévue le 5 octobre à l’hôpital de Nancy, a dû être annulée, tout comme une amputation planifiée pour le 15 novembre. En attendant un prochain transfert à Toul qui devrait le rapprocher de sa famille, ces opérations n’ont toujours pas été reprogrammées – au risque d’aggraver ses symptômes, et ne faisant qu’amplifier le sentiment d’abandon de Monsieur R. face à un système qui semble peu soucieux de sa santé et de sa dignité.
Par Claire M. et Lia B.
Cet article est paru dans la revue Dedans Dehors n°122 – mai 2024 : Isolement carcéral « je suis dans un tombeau »