L’usage du Taser s’étend encore en prison. Depuis la loi pénitentiaire de 2009, il était possible d’avoir recours à ces pistolets à impulsion électrique (PIE), mais leur utilisation était réservée aux seules Équipes régionales d’intervention et de sécurité (Éris). Un arrêté publié début novembre dernier(1) est venu l’élargir à l’ensemble des équipes de sécurité pénitentiaires (ESP). En charge des transferts et extractions judiciaires des détenus mais aussi de la sécurisation intérieure et périmétrique des établissements(2), ces agents peuvent être amenés à intervenir au sein de la détention dans de nombreuses situations : incident grave, fouille sectorielle, mouvements de détenus particulièrement signalés, etc(3).
Considéré comme une arme « intermédiaire » car non létale, le Taser n’est pourtant pas sans danger. Le Comité européen pour la prévention de la torture (CPT) souligne notamment que par la « douleur aiguë » qu’elle cause et les risques d’abus, cette arme ne devrait être utilisée qu’en dernier ressort, en cas de « menace réelle et immédiate à la vie ou d’un risque évident de blessures graves »(4). Or, le cadre légal posé par l’arrêté de novembre est, à cet égard, insuffisamment protecteur. Il prévoit en effet la possibilité d’user du PIE « pour répondre à une agression physique » ou contre un individu au « comportement dangereux ou menaçant », et précise que son utilisation se fera « sur autorisation expresse du chef d’établissement (…) pour une intervention précisément définie ». « Moi, en tant qu’encadrant, je ne saurais pas quand donner l’ordre de l’utiliser, je ne serai pas à l’aise avec ça », souligne un responsable pénitentiaire. Alors que les prisons d’Auvergne-Rhône-Alpes se sont récemment dotées de lanceurs de balles de défense(5), ce nouvel épisode vient marquer une étape de plus dans la course à l’armement à l’œuvre depuis plusieurs années au sein de l’administration pénitentiaire. « On a le gel poivre, les bean bags(6), les ELSP sont armés : c’est une nouvelle escalade dans une dérive sécuritaire. Je n’y vois aucun intérêt, sauf pour faire le buzz en période électorale », déplore un surveillant. Dans un contexte d’élection présidentielle et syndicale, l’autorisation de l’usage du Taser peut en effet apparaître comme un gage donné aux syndicats pénitentiaires qui le réclamaient. « On suit la tendance qu’il y a à l’extérieur à armer toujours plus de services », avance, de son côté un cadre de l’administration pénitentiaire. Une dynamique qui contribue, au passage, à la banalisation du recours à la force. « Il est plus facile de nous transformer en Robocop que de recruter et former du personnel », conclut le surveillant, désabusé.
— Charline Becker et Cécile Marcel
(1) Arrêté du 9 novembre 2021 portant doctrine d’emploi du pistolet à impulsion électrique par les personnels pénitentiaires.
(2) Les ESP regroupent notamment, outre les Éris, les équipes locales de sécurité pénitentiaire (ELSP), les pôles de rattachement des extractions judiciaires (PREJ) et les équipes nationales de transfèrement (ENT).
(3) Doctrine d’emploi des équipes de sécurité pénitentiaire, 4 octobre 2019.
(4) 20e rapport général du Comité européen pour la prévention de la torture, 2009-2010.
(5) OIP, « Livraison de LBD dans les prisons d’Auvergne-Rhône-Alpes », Dedans Dehors n° 110, mars 2021.
(6) Munition pour arme à feu dont les cartouches contiennent un sachet de plomb, de sable ou de billes d’acier.