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À Angers, un référé-liberté relance la série noire des prisons françaises dénoncées pour indignité des conditions de détention

Ces derniers mois, trois prisons françaises – Saint-Martin de Ré, Seysses et Limoges – ont déjà été condamnées pour indignité des conditions de détention. Aujourd’hui, c’est au tour de la maison d’arrêt d’Angers d’être visée par un référé-liberté. Face à l’accumulation de constats accablants et à l’absence de réponses concrètes de la part de l’État, ce recours vise à contraindre les autorités à agir immédiatement pour faire cesser des atteintes manifestement illégales et graves aux droits fondamentaux des personnes détenues. L’audience aura lieu au tribunal administratif de Nantes, le mardi 9 septembre à 10h30.

Depuis de nombreuses années, cet établissement fait l’objet de critiques répétées. La Contrôleure générale des lieux de privation de liberté, le barreau d’Angers, les parlementaires ainsi que de nombreux acteurs institutionnels et associatifs dénoncent des conditions de détention contraires à la dignité humaine.

Dans un rapport publié en mai 2023, la Contrôleure générale rappelait que les inspections antérieures – dès 2008, 2009 et 2018 – avaient déjà pointé l’indignité des conditions, et constatait une aggravation de la situation. Elle soulignait notamment la surpopulation massive, la dégradation des bâtiments, l’état préoccupant des cellules, l’absence d’équipements adaptés et l’insuffisance des activités proposées aux personnes détenues.

En 2025, les alertes autour de la maison d’arrêt d’Angers se sont enchaînées, révélant l’ampleur d’une situation devenue intenable. En mars, le bâtonnier et sa déléguée constataient sur place la persistance de conditions de détention indignes et appelaient à une réaction urgente. Trois mois plus tard, un collectif de détenus faisait entendre sa voix dans une lettre ouverte publiée par Le Courrier de l’Ouest, décrivant la promiscuité, l’insalubrité et le manque d’activités ou de soins. Leur témoignage trouvait un écho début juillet dans la visite du sénateur Grégory Blanc, qui parlait d’une prison « digne du Moyen Âge ». Quelques semaines plus tard, un nouveau rapport du barreau, étayé de nombreuses photographies, confirmait l’ampleur des atteintes à la dignité des personnes incarcérées.

La réalité chiffrée illustre l’ampleur de la maltraitance : au 22 juillet 2025, le taux d’occupation de la prison d’Angers atteignait 203,5 %, avec 464 personnes incarcérées pour seulement 228 places opérationnelles. Certaines cellules prévues pour une seule personne en accueillent deux, voire trois, tandis que des dizaines de détenus dorment sur des matelas posés à même le sol. Nombre d’entre-elles sont dans un état de délabrement avancé : murs fissurés, sols moisis, plafonds écaillés, sanitaires fuyants et douches vétustes. L’absence d’eau chaude, l’accès restreint aux douches, la promiscuité extrême et l’absence d’intimité aux toilettes aggravent des conditions d’hygiène déjà désastreuses. Les détenus dorment parfois à moins d’un mètre des cuvettes des toilettes, partagent des cellules infestées de nuisibles, et vivent au quotidien dans une atmosphère humide, mal ventilée, étouffante l’été et glaciale l’hiver. À cela s’ajoute un mobilier insuffisant et une lumière naturelle réduite à un soupirail inaccessible.

Ce référé-liberté dépasse le simple constat d’une situation locale : il révèle une faillite nationale. Alors que les condamnations se multiplient et que les institutions tirent la sonnette d’alarme depuis des années, l’État continue d’ignorer l’ampleur de la crise carcérale. Dans un contexte politique marqué par la défiance, les censures parlementaires et les recompositions gouvernementales, la question pénitentiaire devient le symbole d’une politique à bout de souffle. Refuser d’agir, c’est accepter que l’indignité devienne la norme, que les droits fondamentaux soient piétinés et que la justice elle-même perde sa crédibilité. Il est temps d’assumer un véritable changement de cap politique : la dignité en prison n’est pas une option, c’est une exigence démocratique.

Contact presse : Sophie Deschamps – 07 60 49 19 96 – sophie.deschamps@oip.org