A la suite d’une altercation entre un surveillant et un détenu survenue à la prison d’Aix-Luynes, ce dernier affirmait avoir subi des violences. Son avocate et l’OIP demandaient alors en référé la conservation des images de vidéo-surveillance de la scène, afin de pouvoir établir les faits. Le 6 mai, le tribunal administratif a rejeté cette demande, validant ainsi la culture de l’opacité qui règne encore en détention sur les affaires de violences.
Lundi 27 avril, à 17h40, une altercation entre un surveillant et Monsieur Y., détenu, éclate sur les coursives vidéo-surveillées du centre pénitentiaire d’Aix-Luynes. Monsieur Y. affirme alors avoir été victime de violences de la part de membres du personnel pénitentiaire. Jeudi 30 avril en fin de matinée, la conservation des bandes vidéos est demandée à la direction de l’établissement, en vue d’un dépôt de plainte. Par crainte que cette demande ne reste sans réponse, l’avocate de Monsieur Y., accompagnée par l’OIP, saisit également le tribunal administratif de Marseille d’un recours en référé, afin qu’il enjoigne formellement à la prison de conserver les images.
Au juge, l’administration a fait savoir que les enregistrements n’étant conservés que trois jours, ils avaient été supprimés. La demande a pourtant été notifiée par fax et par email moins de 72h après les faits. L’avocat présent à l’audience avait en outre demandé que l’établissement fournisse une preuve de la destruction des bandes (un protocole de conservation interne à l’établissement par exemple). En vain. Le 6 mai, la requête a été rejetée. Il suffit donc à l’administration pénitentiaire de déclarer au juge avoir supprimé les enregistrements pour que ce dernier s’en accommode, en dépit d’incohérences flagrantes
Car ce n’est pas la première fois que des démarches pour dénoncer les violences de surveillants de la prison d’Aix-Luynes se heurtent au problème de conservation des images de vidéo-surveillance. En octobre 2019, un autre détenu, qui affirmait également avoir subi des violences, n’avait pu obtenir leur conservation. Sa demande était parvenue à l’établissement six jours après les faits. Dans un courrier adressé au procureur, le chef d’établissement avait alors précisé que « s’agissant de l’enregistrement vidéo, celui n’a[vait] pas pu être extrait, la durée de conservation étant de cinq jours ». Pour expliquer les différences de délai dans les deux affaires, l’établissement pénitentiaire a indiqué, dans son mémoire en défense, que ceux-ci variaient selon les bâtiments : cinq jours pour le MA1, trois pour le MA2. Une différence que l’administration n’a pas été sommée de justifier, sa seule parole faisant foi.
Cette affaire est emblématique des difficultés rencontrées par les personnes détenues victimes de violences pour étayer leur plainte et obtenir justice. Dans son rapport d’enquête sur les violences commises par des agents pénitentiaires sur des personnes détenues, publié en juin 20191, l’OIP regrettait que « lorsque les violences ont eu lieu dans le champ des caméras », »l’administration pénitentiaire est parfois peu réactive pour transmettre [les enregistrements] aux enquêteurs ». Pour justifier la non-transmission, l’administration pénitentiaire invoque le plus souvent des problèmes techniques ou les faibles capacités de stockage des services de sécurité. De fait, aucun cadre réglementaire ou législatif ne fixe à ce jour un délai minimum de conservation des enregistrements – un arrêté de 2013 prévoit seulement un durée maximum, égale à un mois. Pour mettre un terme à ce vide juridique et à ces pratiques, l’OIP préconisait alors l’extraction systématique des images de vidéosurveillance en cas d’incident, ainsi que l’instauration d’un délai de conservation minimum d’au moins six mois, comme le demande le Défenseur des droits. Alors que le ministère de la Justice est resté sourd à ces recommandations, l’affaire de Monsieur Y. rappelle que le rapport de l’OIP reste, près d’un an après sa publication, cruellement d’actualité.
Contact presse : Charline Becker · 06 50 73 29 04
[1] “Omerta, Opacité, Impunité. Enquête sur les violences commises par des agents pénitentiaires sur les personnes détenues”, OIP-SF, juin 2019.