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La torture blanche érigée en modèle

« J’ai annoncé […] la création d’une prison de haute sécurité qui pourra mettre de côté de la société, à l’isolement total, les cent plus gros narco-bandits de France, quel que soit leur statut, de détention provisoire ou de peine définitive. » Tout, dans cette phrase d’annonce du ministre de la Justice, soigneusement mise en scène dans un discours tenu devant les médias le 23 janvier dernier, appelle à l’indignation, et relève d’une atteinte manifeste aux droits fondamentaux des personnes détenues.

« à l’isolement total », alors que les effets dévastateurs de l’isolement sur la santé physique et psychique ne sont plus à démontrer : troubles anxieux, altération des sens, décompensation psychologique…, au point que le personnel soignant dénomme « torture blanche » l’usage prolongé de cette mise au ban. « Quel que soit le statut des personnes détenues… », assumant de ne faire aucun cas du caractère de prévenu de la personne, non encore reconnue coupable des faits de narco-banditisme qui lui sont reprochés.

Les pistes avancées pour ce « nouveau » modèle de prison de haute sécurité – ultra sécurisation, surveillance 24h/24, interdiction totale de relations avec l’extérieur et entre personnes détenues… –sont tristement connues et éprouvées. Elles viennent s’ajouter aux effets des dispositifs d’isolement carcéral pratiqués aujourd’hui, et rappeler les sinistres quartiers de haute sécurité (QHS) supprimés dans les années 1980 par feu Robert Badinter, qui les qualifiait alors de « régime inhumain qui broie les hommes ».

Le ministre de la Justice actuel a beau jeu d’évoquer, dans ce même discours du 23 janvier, « l’indignité de la République », liée à la surpopulation carcérale, que représentent « 4000 matelas par terre », alors qu’il crée dans le même temps une nouvelle indignité républicaine érigeant en modèle le recours à la torture blanche. Le respect des droits fondamentaux ne doit pas être à géométrie variable, mais être assuré pour toutes les personnes détenues.

Par Jean-Claude Mas

Cet article a été publié dans le Dedans Dehors N°125 : Kanaky – Nouvelle-Calédonie : dans l’ombre de la prison