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Centre de détention de Caen : fouilles corporelles incessantes pour un détenu refusant de sortir du mitard

D.G. est soumis à des fouilles à nu systématiques depuis le 8 décembre 2009, date de son arrivée au quartier disciplinaire du Centre pénitentiaire de Caen. La direction de l'établissement a par ailleurs demandé à sa hiérarchie de transférer ce détenu dont la prise en charge constitue pour l'administration un véritable casse-tête puisqu'il lui impose, depuis plus de douze années consécutives, de purger sa peine au quartier disciplinaire.

D.G. a été soumis à des fouilles à nu quotidiennes pendant un mois et demi, à partir de son arrivée au CD de Caen. Ces fouilles restent désormais pratiquées plusieurs fois par semaine. Elles ont lieu au retour de la promenade, laquelle s’effectue dans le quartier disciplinaire, et alors que l’intéressé n’est en contact qu’avec des personnels pénitentiaires.Deux personnels d’encadrement, contactés par l’OIP, invoquent le règlement intérieur du quartier disciplinaire et « les règles élémentaires de sécurité » pour justifier ce traitement. La direction de l’établissement assure que ces fouilles « ne sont pas dirigées contre D.G », tout en reconnaissant que « son comportement ne présente aucune difficulté, hormis son refus de quitter le quartier disciplinaire ».

De fait, le compte-rendu d’incident établi le 8 février 2010 mentionne qu’il s’agit d’un « détenu qui maintient en toutes circonstances une relation courtoise avec le personnel. »

Il s’avère que le règlement intérieur, que s’est procuré l’OIP, ne contient aucune disposition prévoyant un tel traitement. D’autre part, l’administration considère que D.G., sur-adapté au milieu carcéral, ne pose aujourd’hui aucun problème de sécurité. À l’issue de chaque sanction, il quitte le quartier disciplinaire pour une durée de 24 heures, puis refuse de réintégrer sa cellule. Cette faute du deuxième degré justifie un passage devant la commission de discipline, qui prononce une nouvelle sanction, et ainsi de suite. Lorsqu’il était incarcéré à la maison centrale de St-Martin-de-Ré, son précédent lieu de détention, D.G. ne faisait l’objet d’aucun régime de fouilles comparable. Des comptes-rendus de la maison centrale faisaient état d’un homme « courtois (…), étonnamment serein, vivant ainsi pour des raisons d’ordre philosophique ». « Son comportement avec le personnel est irréprochable, toujours courtois et respectueux des règles ». Jointe par l’OIP, une source médicale a déclaré que ces fouilles avait pour « objectif de faire pression sur l’intéressé », afin de l’amener à accepter de sortir du mitard.

L’avocat du détenu a par ailleurs adressé un courrier au directeur interrégional des services pénitentiaire de Rennes pour s’opposer à la demande de transfert de D.G. formulée le 21 décembre 2009 par la direction du centre de détention. L’avocat conteste catégoriquement les motifs avancés par la direction, selon lesquels D.G. aurait lui même réclamé son transfert au centre de détention de Bapaume et présenterait une réelle capacité à mobiliser les autres détenus sur d’éventuels dysfonctionnements de l’administration.

L’OIP rappelle :

– que la Cour européenne des droits de l’homme a jugé qu’un régime de fouille à corps hebdomadaire, effectué de manière routinière, ne répondant pas à un impératif de sécurité concret, constitue un traitement inhumain (CEDH Van der ven c. Pays-bas 4 février 2003). La Cour a condamné la France par deux fois pour traitement inhumain ou dégradant à raison du régime de fouille imposé à des personnes détenues (arrêts Frérot c. France du 12 juin 2007 et Khider c. France du 09 juillet 2009) ;
– que la Cour considère que « l’article 3 de la Convention consacre l’une des valeurs les plus fondamentales des sociétés démocratiques. Il prohibe en termes absolus la torture et les traitements ou peines inhumains ou dégradants, quels que soient les circonstances et les agissements de la victime » (Labita contre Italie,6 avril 2000) ;
– que la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 prévoit que « les fouilles doivent être justifiées par la présomption d’une infraction ou par les risques que le comportement des personnes détenues fait courir à la sécurité des personnes et au maintien du bon ordre dans l’établissement. Leur nature et leur fréquence sont strictement adaptées à ces nécessités et à la personnalité des personnes détenues. Les fouilles intégrales ne sont possibles que si les fouilles par palpation ou l’utilisation des moyens de détection électronique sont insuffisantes. » (article 57)