Monsieur I., détenu au centre pénitentiaire de Châteaudun, a entamé une grève de la faim le 13 août dernier. Malgré un certificat médical indiquant que son état de santé n’était pas compatible avec un placement au quartier d’isolement, la direction de l’établissement a décidé de l’y maintenir. Une décision qui sanctionne indirectement Monsieur I. pour avoir initié une pétition afin d’alerter l’administration pénitentiaire sur la qualité des repas distribués dans l’établissement.
Le 13 août dernier, la direction du centre pénitentiaire de Châteaudun décidait de placer Monsieur I. à l’isolement à titre provisoire. Elle lui reprochait « des propos diffamatoires et insultants » à l’encontre du personnel, mais surtout d’avoir initié une pétition en détention et de l’avoir transmise à la direction régionale des services pénitentiaires (DISP).
Dans cette pétition, une trentaine de personnes détenues dans l’établissement se plaignaient des quantités insuffisantes de nourriture. « Il y a des jours où on n’a rien à manger », écrivaient-elles notamment, indiquant qu’elles avaient tout essayé et que cette pétition était « la seule chose qui [leur] rest[ait] à faire ». En mars déjà, Monsieur I., alors affecté à la distribution des repas en tant qu’auxiliaire au service général, avait alerté l’administration de la prison d’un écart entre la quantité de repas annoncée et celle qui était servie. En avril, Monsieur I. était déclassé[1]. Depuis, il a continué à alerter sur les problèmes de nourriture sans que, selon lui, aucune mesure ne soit prise. Destinataire de la pétition, l’OIP interpellait à son tour la direction de l’établissement à ce sujet le 19 juillet dernier, dans un courrier resté sans réponse.
L’expression collective une nouvelle fois sanctionnée
Dans la décision de placement provisoire à l’isolement, l’administration de la prison indique qu’ « il apparaît avec évidence que Monsieur I. exerce une influence particulièrement néfaste sur ses codétenus et qu’il cherche à générer un incident collectif ». Si la mise à l’isolement ne constitue pas, en principe, une sanction disciplinaire, elle est donc ici présentée comme une réponse à la pétition initiée par Monsieur I. Cette décision est une nouvelle illustration de l’impossibilité faite aux personnes détenues de s’exprimer collectivement. En effet, toute forme d’expression collective est prohibée en prison, l’administration pénitentiaire considérant qu’elle est susceptible de mettre en jeu la sécurité et le bon ordre dans les établissements. Les règles pénitentiaires européennes précisent pourtant que « les détenus doivent être autorisés à discuter de questions relatives à leurs conditions générales de détention et doivent être encouragés à communiquer avec les autorités pénitentiaires » (règle 50). Pour le Conseil de l’Europe il s’agit du respect du droit fondamental à l’expression mais aussi d’assurer la pacification de la détention en prévoyant « des voies de communication claires entre les parties ».
L’OIP rappelle l’urgence que soit reconnu un droit d’expression collective aux personnes détenues, comme le demandaient 19 organisations de la société civile dans une lettre ouverte aux députés le 18 mai dernier. « S’il est évident que leur exercice appelle des aménagements, des droits collectifs doivent être reconnus dans leur principe et donner lieu à un encadrement et à des modalités d’exercice compatibles avec l’état de détention », soulignaient les signataires.
Maintenu à l’isolement malgré un avis médical
Dès sa mise à l’isolement le 13 août, Monsieur I. a engagé une grève de la faim afin de contester cette décision. Le 16 août, un certificat médical établi par l’unité sanitaire précisait que son état de santé n’était pas compatible avec son maintien au quartier d’isolement. Malgré ce document, la direction de la prison a décidé, le 17 août, à l’issue d’un débat contradictoire, de l’y maintenir pour une durée de trois mois. Une semaine après le début da sa grève de la faim, l’état de santé de Monsieur I. qui indique avoir perdu six kilos, continue de se détériorer.
L’OIP rappelle que la décision d’isolement doit être prise « en tenant compte de la personnalité de la personne détenue, de sa dangerosité particulière et de son état de santé » et qu’il ne devrait être envisagé que « s’il n’existe pas d’autre possibilité d’assurer la protection des personnes détenus ou la sécurité de l’établissement », en présence d’une menace grave et actuelle.
Dans un fax envoyé le 20 août à la direction de la prison, l’avocat de Monsieur I. a demandé que soit levé en urgence le placement à l’isolement de son client.
[1] Décision de ne plus l’affecter au travail.
Mise à jour : après la publication de ce communiqué de presse (le 20/08), Monsieur I. a été transféré dans un nouvel établissement pénitentiaire où il n’est plus placé à l’isolement. En ce qui concerne la qualité et la quantité des repas, la Direction de l’administration pénitentiaire a par ailleurs indiqué à l’OIP qu’une consultation de personnes détenues organisée le 21 juillet avait mis en avant une amélioration de la qualité du service.