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Centre de détention de Joux-la-Ville (Yonne) : condamné sans avocat à 30 jours de cellule disciplinaire au mépris des droits de la défense

Sanctionnée de trente jours de cellule disciplinaire sans avoir pu bénéficier de l'assistance d'un avocat, Christine R. a saisi ce vendredi 14 juin le Tribunal administratif de Dijon pour obtenir l'annulation de cette sanction.

Lors de son passage en commission de discipline, elle avait pourtant exprimé le souhait d'être défendue mais aucun avocat ne lui a été commis d'office par la Bâtonnière de l'Ordre des avocats du barreau d'Auxerre. Cette dernière refuse en effet de procéder à une telle désignation lorsqu'une seule personne comparaît devant la commission de discipline, ce qui était le cas de Christine, au motif que le déplacement d'un avocat pour une seule affaire n'est pas économiquement rentable pour l'avocat désigné. De son côté, la direction du centre de détention a refusé de renvoyer l'audience disciplinaire à une date ultérieure, privilégiant la célérité du prononcé de la sanction au mépris des droits de la défense.

Vendredi dernier, Christine a exercé avec son avocat un recours devant le tribunal administratif de Dijon contre une décision du 25 mars 2013 prise par la commission de discipline du centre de détention de Joux-la-Ville. Ce jour là, elle avait écopé d’une sanction de 30 jours de placement au quartier disciplinaire (sanction maximale qui peut être prononcée) pour avoir, selon le compte-rendu d’incident, « mordu le 1er surveillant L. à l’avant bras » quatre jours plus tôt au cours d’une intervention visant à lui faire réintégrer sa cellule. Immédiatement après l’incident, elle avait été placée en prévention au quartier disciplinaire. Niant les faits, Christine avait demandé à être assistée par son avocat et, en cas d’indisponibilité de celui-ci, par un avocat commis d’office. Le premier ayant fait savoir qu’il ne pourrait être présent, l’établissement avait alors contacté l’Ordre des avocats d’Auxerre afin qu’il désigne un avocat commis d’office. Mais ce dernier s’est également avéré être « indisponible », selon le formulaire renvoyé par l’Ordre et versé à la procédure.

Dans un courrier à l’OIP, Christine raconte qu’elle était la seule détenue à être convoquée devant la commission de discipline de l’établissement le 25 mars 2013 et que, pour expliquer l’absence d’avocat, la directrice adjointe du centre de détention qui préside la commission lui avait déclaré que « les commis d’office ne se déplacent pas pour une seule personne ». Contactée par l’OIP, la Bâtonnière d’Auxerre confirme dans un courrier d’avril 2013 que « si l’avocat se déplace au centre de détention de Joux-la-Ville pour un seul détenu, il perd de l’argent ». En conséquence elle « refuse de missionner un confrère à ses frais » et « ne désigne pas ». Elle précise avoir invité la direction du centre de détention à « regrouper les commissions », l’administration lui ayant répondu que son souci était « d’apporter une réponse rapide à toute infraction à la discipline ».

En effet, Christine indique dans son courrier avoir demandé à la directrice adjointe de l’établissement, lors de sa comparution, l’« ajournement » de l’audience pour que celle-ci se déroule « dans les règles », c’est-à-dire en présence d’un avocat. Selon elle, c’est son placement en « prévention » en cellule disciplinaire depuis la date de l’incident qui avaitconduit la présidente à refuser ce renvoi. Cette mesure, qui ne peut être décidée que si elle « est l’unique moyen de mettre fin à la faute ou de préserver l’ordre à l’intérieur de l’établissement », et qui ne peut durer plus de 48 heures (délai prolongé les week-ends en pratique) est fréquemment invoquée par l’administration pour justifier des refus de renvoi d’audience, afin de ne pas avoir à réintégrer le comparant en détention « ordinaire ». Contactée par l’OIP le 9 avril 2013, la direction de la prison a refusé tout commentaire sur le déroulement de l’audience, confirmant cependant que « les audiences de détenus placés en prévention ne peuvent être renvoyées, c’est la procédure ».

De fait, sans même répondre dans sa décision au grief soulevé sur l’absence d’avocat par la comparante, elle avait estimé que « les faits sont avérés et constituent une faute disciplinaire » et était entrée en voie de sanction. Selon Christine, les personnels de surveillance présents dans la salle l’ont évacué par la force à la fin de l’audience, sur ordre de la présidente, alors qu’elle persistait dans ses protestations.

Quant à la Bâtonnière d’Auxerre, elle conclut dans son courrier que « en tout état de cause, le respect des droits d’un détenu, comme ceux de tout autre justiciable, ne doit pas s’exercer au détriment de l’avocat et du droit qu’a ce dernier de refuser de travailler à ses frais ».

L’OIP rappelle :

– que l’article 91 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 dispose qu’au cours de la procédure disciplinaire « la personne peut être assistée par un avocat choisi ou commis d’office, en bénéficiant le cas échéant de l’aide de l’État pour l’intervention de cet avocat», le Conseil constitutionnel interprétant ce texte comme une « garanti(e) » de la personne déférée en commission de discipline « d’être assistée d’un avocat au cours de la procédure disciplinaire » (décision du 19 novembre 2009, n°2009-593 DC) ;

– que contrairement aux assertions de la direction du centre de détention de Joux-la-Ville, la circulaire DAP du 9 mai 2003 relative à l’application pour l’administration pénitentiaire de l’article 24 de la loi n°2000-321 précise explicitement que « la circonstance que le détenu ait été placé préalablement en prévention ne saurait en soi, justifier qu’il soit dérogé pour la suite de la procédure et notamment pour le passage en commission de discipline, aux garanties édictées par l’article 24 de la loi n° 2000- 321 » parmi lesquelles figure le droit à l’assistance d’un avocat ;

– qu’aux termes de la circulaire DAP du 9 juin 2011 sur la procédure disciplinaire des personnes détenues majeures, « dès lors que la faute disciplinaire est consommée et ne peut se poursuivre ou se renouveler, dès lors que le trouble a cessé ou qu’il est possible d’y mettre un terme par un autre moyen, le recours au placement préventif n’est pas justifié ».