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Centre pénitentiaire de Baie Mahault (Guadeloupe): une expertise épingle la surpopulation et des problèmes d’hygiène

Depuis plusieurs années, la Coordination Outre-mer de l'OIP est destinataire de nombreux courriers de plaintes de détenus, concernant leurs conditions de détention au centre pénitentiaire de Baie-Mahault. L'un d'entre eux, M.F., assisté d'un avocat a engagé une procédure de référé-constat auprès du Tribunal administratif de Basse-Terre. Un expert a été désigné par ordonnance du 26 juillet 2011 aux fins de dresser un état des lieux de ses conditions de vie dans le quartier maison d'arrêt. L'expert, qui s'est rendu à Baie-Mahault le 28 septembre dernier, vient de rendre son rapport.

L’expert relève « l’exiguïté des lieux, leur occupation permanente par les détenus », ainsi que la présence de « salpêtre dans les salles humides » en raison de « l’absence de murs carrelés ». Il note également que les sanitaires dans les cours de promenade ne permettent aucune intimité : les douches et les WC à la turque ne disposant d’aucune porte. Et estime que cette situation n’est « pas admissible ».

Concernant plus particulièrement les conditions de détention de M.F., détenu dans trois cellules différentes entre le 24 février et le30 septembre 2010, l’expert observe dans chacune d’entre elles que les « murs sont maculés », que les WC sont « mal isolés par rapport à la zone de couchage » et distants d’un mètre à peine de l’endroit où sont préparés et pris les repas. Les rebords des fenêtres sont quant à eux jonchés de déchets jetés par les détenus, les poubelles étant soit « cassées », selon M.F., soit « en général sans couvercle », selon l’expert.

Dans sa requête, M.F. se plaint par ailleurs de n’avoir pu dormir que quelques heures par nuit tout au long de sa détention, en raison du bruit dans les étages. Nuisances sonores que confirme l’expertise qui souligne que l’établissement est « effectivement très bruyant (musique, vociférations…) ».

Après une première nuit passée seul dans une cellule de 24,30m², dotée de sanitaires, M.F est placé dans une cellule de 11,10m², qu’il partagera durant 52 jours avec quatre, voire cinq codétenus. La cellule ne disposant que de « 4 lits, 2 tables, 4 chaises et un placard », le cinquième et le sixième détenus dormaient sur un matelas sur une table ou à même le sol. Durant toute cette période, hormis les promenades et les parloirs, les occupants de la cellule restaient constamment enfermés en cellule, l’établissement étant « en manque crucial d’activités pour les détenus ». Le 13 avril 2010, il intègre une cellule de 8,70m² ne comportant que deux lits qui sera occupée en permanence, jusqu’à sa libération le 30 septembre 2010, par trois détenus.

La situation imposée à M.F n’a rien d’exceptionnel. D’autres détenus ont contacté l’OIP afin d’engager des recours en responsabilité pour leurs conditions d’hébergement indignes. « Nous sommes trois en cellule dans 10m², une cellule de deux, on dort par terre à tour de rôle ». Quant aux locaux, ils sont « infestés de cafards, de mille-pattes et toutes sortes d’insectes et parasites » et les abords des cellules « une vraie déchetterie » ont témoigné trois détenus dans un courrier adressé à l’OIP le 17 août 2010. La promiscuité liée à la surpopulation génère « une insécurité indéniable du fait que tout le monde se ballade avec des armes blanches, et lesboutons d’appel d’urgence sont tous inactifs », « En cas de problème de violence ce sont les détenus qui séparent les gens, cela se termine souvent à l’hôpital avec de multiples coups de couteau, notre stress est permanent, un détenu est resté plusieurs heures avec une fourchette plantée entre les deux yeux ».

Le système d’interphonie a depuis « été rénové » selon la mission des services pénitentiaires de l’Outre-mer, interrogée par l’OIP. Dans leur réponse du 5 octobre 2010, les autorités pénitentiaires précisent que « pour prévenir et lutter contre les violences, la direction locale conduit une action volontariste conjuguant travaux d’aménagement et de sécurisation, amélioration des procédures et formation des agents, amélioration des conditions de détention et développement des activités ». Toutefois, l’indignité des conditions de détention à Baie-Mahault semble demeurer d’actualité. « J’ai reçu un coup de couteau au niveau de la bouche, on m’a emmené à l’hôpital pour recoudre la plaie, nous sommes cinq dans une cellule de quatre et je dors par terre sur un matelas », témoigne un homme le 26 septembre 2011, tandis qu’un autre signale, le 14 décembre 2011: « je dors par terre, je mange très mal et je n’ai pas de parloirs ».

Au 1er novembre 2011, le quartier maison d’arrêt du centre pénitentiaire de Baie-Mahault comptait 322 détenus pour 266 places, soit un taux d’occupation de 121,1%.

L’OIP rappelle :

– l’article 46 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 qui prévoit que l’administration pénitentiaire « assure un hébergement, un accès à l’hygiène, une alimentation et une cohabitation propices à la prévention des affections physiologiques ou psychologiques »;

– l’article D.349 du Code de procédure pénale: « l’incarcération doit être subie dans des conditions satisfaisantes d’hygiène et de salubrité, tant en ce qui concerne l’aménagement et l’entretien des bâtiments (…) que (…) la pratique des exercices physiques » ;

– que, pour la Cour européenne des droits de l’homme, « l’article 3 de la Convention impose à l’état de s’assurer que tout prisonnier est détenu dans des conditions qui sont compatibles avec le respect de la dignité humaine, que les modalités de l’exécution de la mesure ne soumettent pas l’intéressé à une détresse ou à une épreuve d’une intensité qui excède le niveau inévitable de souffrances inhérent à la détention » (CEDH, Kudla c/ Pologne, 26 oct. 2000).

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