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Centre pénitentiaire du Havre (76) : un couple sanctionné pour une fellation au parloir

G.M. et son amie J.S. viennent de déposer un recours pour obtenir l'annulation d'une suspension de permis de visite d'un mois, intervenue en juillet dernier, pour sanctionner une fellation au parloir. Des faits qu'ils ont toujours niés. Au delà des problèmes de preuve, la situation de ce couple soulève la question du droit à l'intimité des personnes détenues.

Le 21 mars 2012, G.M. et son amie J.S. ont déposé un recours devant le tribunal administratif de Rouen, demandant l’annulation de la suspension de permis de visite dont ils ont fait l’objet le 16 août 2011 pour avoir « imposé à la vue d’autrui des actes obscènes ou susceptibles d’offenser la pudeur ». En décembre 2011, G.M. avait de son côté déposé une plainte contre X auprès du procureur de la République du Havre pour dénonciation calomnieuse, demandant en parallèle à être poursuivi ainsi que son amie pour exhibition sexuelle sur le fondement de l’article 222-32 du Code pénal. Il estimait qu’il s’agissait de leur « seule chance de bénéficier d’une véritable enquête et des garanties d’un procès équitable ».

Le 28 juillet 2011, J.S. avait été accusée par des personnels de surveillance d’avoir pratiqué une fellation lors du parloir. Suite à ces allégations, la direction du centre pénitentiaire du Havre avait prononcé le 2 août, à titre conservatoire, une suspension de permis de trois mois. Dans le cadre de leur défense, J.S. indiquait ne pas avoir « eu de rapport sexuel » ce jour-là avec G.M., «ni même depuis 4 ans », commentant : « si des personnes peuvent faire abstraction d’un tel dispositif afin de partager de l’intimité,  tant mieux, mais ce n’est pas mon cas ». G.M., quant à lui, confirmait les dires de son amie et relevait n’avoir eu accès à aucun compte-rendu d’incident, hormis de vagues allégations communiquées oralement, indiquant qu’il aurait été vu «remontant son pantalon » et J.S. « posant sa tête sur ses genoux ».

A l’issue de la procédure contradictoire, la suspension de permis sera ramenée à un mois, et aucune procédure disciplinaire ne sera engagée contre G.M. Le procureur de la République classera sans suite la plainte pour dénonciation calomnieuse mais, pour autant, n’engagera aucune poursuite pour « exhibition sexuelle » contre le couple, tenant probablement compte de la jurisprudence pénale qui exige que « le corps ou la partie du corps volontairement exposé à la vue d’autrui soit ou paraisse dénudée ». Paradoxalement, l’unique demande du couple pour bénéficier d’une visite en unité de vie familiale (UVF) au centre pénitentiaire du Havre, sera refusée ; ainsi durant 4 années de détention, au sein de plusieurs prisons, G.M. n’aura jamais eu accès à une UVF. Contactée le 12 mars 2012 par l’OIP, la direction de l’établissement s’est refusée à tout commentaire.

L’expérience de ce couple pose plus largement la question du respect du droit à l’intimité des détenus. Partie intégrante du droit à la vie privée, protégé par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme, le droit à la sexualité est aujourd’hui loin d’être respecté en prison. Bien que le Code de procédure pénale n’autorise ni n’interdise les relations sexuelles, les couples qui tentent de vivre une sexualité au parloir s’exposent, selon des pratiques qui varient en fonction des établissements ou des personnels pénitentiaires, à des sanctions disciplinaires sur le fondement de l’article R. 57-7-2 3° du Code de procédure pénale qui réprime le fait d’« imposer à la vue d’autrui des actes obscènes ou susceptibles d’offenser la pudeur », quand bien même ils auraient pris des précautions pour ne pas être vus, et quand bien même l’administration ne mettrait aucun autre lieu à leur disposition pour vivre une certaine intimité.

Aujourd’hui en France, sur 191 établissements pénitentiaires, seuls 19 sont dotés d’unités de vie familiale et 9 de parloirs familiaux. Ce qui représente 60 UVF et 33 parloirs familiaux.  Dans l’inter-région Nord, seuls 4 des 20 établissements pénitentiaires sont équipés d’UVF ou de parloirs familiaux, dont le centre pénitentiaire du Havre qui dispose de 4 UVF pour 690 détenus.

L’OIP rappelle :

–  l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’Homme du 12 février 2005 (n° 4275 / 98, 45558 / 99), qui rappelle que « l’article 8 […] protège le droit à l’épanouisse­ment sexuel, que ce soit sous la forme du déve­loppement personnel ou de l’aspect de l’autono­mie personnelle qui reflète un principe important […] Ce droit implique le droit d’établir et d’en­tretenir des rapports avec les autres êtres humains et le monde extérieur, en ce compris dans le do­maine des relations sexuelles, qui est l’un des as­pects les plus intimes de la sphère privée et, à ce titre, protégé par cette disposition » ;

– le rapport de visite du 22 juin 1992 du Comité de prévention contre la torture (CPT) dans lequel il estimait qu’ « entretenir des relations sexuelles dans ces conditions [au parloir] est dégradant à la fois pour le couple en question et les spectateurs obligés (que ce soit d’autres détenus/visiteurs, ou des fonctionnaires pénitentiaires) ». Depuis, le CPT invite régulièrement le gouvernement français à organiser des visites qui « aient lieu dans des conditions aussi voisines que possible de la vie courante, favorisant le maintien de relations stables » ;

– les règles pénitentiaires européennes (R 24-4) qui recommandent : « les modalités des visites doivent permettre aux détenus de maintenir et de développer des relations familiales de façon aussi normale que possible » ;

– l’étude du 11 mars 2004 de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme qui recommande « la généralisation du système d’unités de vie familiale » et souhaite « dans le cadre des parloirs ordinaires, […] que les visites se déroulent à l’abri des regards extérieurs ».

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