Au centre pénitentiaire de Nancy-Maxéville, les détenus attendent leur consultation médicale entassés à plusieurs dans des boxes de 2,5m2. Entre trois et dix patients peuvent s'y retrouver pour des durées allant de 20 minutes à plusieurs heures, dans des conditions sanitaires déplorables et une promiscuité attisant les tensions.
« Les personnels médicaux les qualifient de « salle d’attente », les détenus les appellent « les cages » », écrit un détenu à l’OIP. Alertés par le Contrôleur général des lieux de privation de liberté en 2012, le ministre des Affaires sociales et de la santé et le garde des Sceaux avaient assuré que le problème serait traité lors du comité de coordination santé-justice, prévu en septembre 2013. A ce jour, la réunion de ce comité n’a toujours pas eu lieu, selon l’Agence régionale de santé de Lorraine contactée par l’OIP.
En attendant, plusieurs centaines de détenus par semaine sont soumis à des conditions d’attente indignes avant d’être reçus en consultation à l’unité médicale (UCSA). « En théorie, il ne doit pas y avoir plus de quatre détenus dans le même boxe », indique un médecin à l’OIP. En pratique, la plupart des détenus ont fait l’expérience de s’y être retrouvés à sept, huit… dix. Dans un local d’un mètre sur deux, donc debout « comme du bétail », décrit A.F.
A l’exiguïté des lieux, s’ajoute l’insalubrité de ces boxes dont les murs sont « couverts de crachats » et présentent des « traces d’excréments », selon les détenus. Ils décrivent l’odeur permanente « d’urine, de tabac et de transpiration », l’absence de lumière naturelle (« pas de fenêtre sur l’extérieur »). M.V., détenu non fumeur, rapporte que « tout le monde fume dedans, il n’y a pas de ventilation, ça pue la cigarette et la fumée ». Il précise avoir pour cette raison « déjà refusé des consultations pour ne pas rester dans le boxe ».
Tous rapportent que ces conditions d’attente sont également propices à créer un climat de tension (menaces verbales ou physiques). H.T. indique à l’OIP avoir déjà été victime de violences physiques dans un boxe. A.F. raconte que dans ce qu’il appelle « une cage en béton », « les insultes fusaient, les menaces de mort, j’entendais « vas-y, tape le… « . J’ai compris que c’était préférable d’abandonner toute visite à l’UCSA, trop risqué ! ».
Selon les témoignages recueillis, les délais d’attente sont très variables, de 10 minutes à une heure pour certains, une heure à deux heures pour d’autres. Les durées maximales indiquées sont de trois heures : « j’ai dû attendre une fois de 9h à midi, j’en avais assez, j’ai demandé à repartir », écrit Y.G. à l’OIP. Un médecin de l’UCSA confirme que « certains détenus peuvent attendre dans les boxes de 1h30 à 2h ». Par exemple, précise-t-il, « si huit détenus arrivent en même temps, les derniers vont patienter longtemps ». Il ajoute qu’à l’issue de la consultation, les détenus qui « attendent une prescription, comme une pose de pansement » peuvent de nouveau avoir à « patienter dans les boxes ».
De telles conditions conduisent certains détenus à renoncer à se rendre en consultation et à recevoir les soins dont ils ont besoin. Selon un médecin, « certains détenus (ils sont rares) refusent catégoriquement de se rendre à l’UCSA. D’autres partent avant d’avoir accédé à leur consultation ». S.A. explique pour sa part avoir refusé de se rendre à l’UCSA « plus de dix fois » en raison des conditions d’attente.
Les durées d’attente emportent d’autres préjudices, cette fois sur les activités des détenus. H.T. explique que les consultations à l’UCSA « empiètent sur son temps de travail », avec la « perte d’argent » qui s’ensuit. M.V. rapporte qu’il lui est arrivé plusieurs fois de partir de l’UCSA « sans être passé devant le médecin car [il] avait un parloir ».
Alors que le centre pénitentiaire de Nancy-Maxéville est une prison nouvelle, ouverte en juin 2009, force est de s’interroger sur le peu de cas fait de l’accès aux soins et de la dignité des personnes détenues dans la conception de cet établissement. Un médecin déplore à cet égard qu’il n’existe « pas d’autre salle au sein de l’UCSA qui pourrait remplacer les boxes d’attente ». A cet égard, l’OIP rappelle le principe de la réforme de 1994, rappelé par la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 selon lequel « la qualité et la continuité des soins sont garanties aux personnes détenues dans des conditions équivalentes à celles dont bénéficie l’ensemble de la population » (article 46).
Devant l’absence de réponse donnée par les autorités à cette situation d’atteinte à la dignité humaine des personnes incarcérées, l’OIP a décidé de former un recours auprès des juridictions administratives.
L’OIP rappelle :
Les Règles pénitentiaires européennes, dont le respect est l’un des objectif affiché de l’administration pénitentiaire française, indiquent que « Les détenus doivent avoir accès aux services de santé proposés dans le pays sans aucune discrimination fondée sur leur situation juridique » (règle 40.3).