La section française de l’Observatoire international des prisons informe des faits suivants :
Dans un avis du 14 septembre 2005, l’agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) vient de rappeler que le Subutex®, « indiqué dans le traitement substitutif de la pharmacodépendance majeure aux opiacés, dans le cadre d’une thérapeutique globale de prise en charge médicale, sociale et psychologique », ne doit être administré que par voie sublinguale, « seule voie efficace et bien tolérée pour la prise de ce médicament ».
Depuis le 10 janvier 2004, au motif de lutter contre le trafic de Subutex® au sein de la maison d’arrêt de Reims, l’UCSA (unité de consultation et de soins ambulatoires) a mis en place une dispensation sous forme pilée de ce traitement de substitution prévu en administration sublinguale (à laisser fondre sous la langue).
Sollicitée par l’OIP le 26 juillet 2005 pour un avis sur la dispensation par les UCSA de certains établissements pénitentiaires des comprimés sublinguaux de Subutex® sous forme pilée ou diluée, l’agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) rappelle que « l’évaluation de l’efficacité et de la sécurité d’emploi » du Subutex® « a conduit à mentionner dans l’autorisation de mise sur le marché (AMM) que l’administration du médicament par voie orale était inappropriée ». La notice de ce médicament indique que « la voie sublinguale constitue la seule voie efficace et bien tolérée pour la prise de ce médicament », qu’il convient de « laisser les comprimés fondre sous la langue » et qu’ils « ne doivent pas être avalés ». Dans son avis, l’AFSSAPS explique qu’ « il est important de respecter ce mode d’administration dans la mesure où lorsque le comprimé de Subutex® est directement avalé, que ce soit sous forme pilée ou diluée dans de l’eau, il est fortement détruit dans le tube digestif avec pour conséquence une diminution très importante de son efficacité » et que « le Subutex® n’est donc efficace que lorsqu’il est maintenu sous la langue jusqu’à dissolution, ce qui intervient habituellement en 5 à 10 minutes et ce qui permet son passage dans la circulation sanguine par les micro-vaisseaux situés sous la langue ».
Dans le rapport d’activité 2004 remis le 25 février 2005 aux membres de la commission de surveillance de la maison d’arrêt de Reims, l’UCSA se félicite cependant, « après un an de recul par rapport au nouveau mode de dispensation du Subutex® sous forme pilée » de constater « une amélioration de la prise en charge dans l’optique de sevrage avec parallèlement une quasi disparition du trafic lié à ce type de produit », rappelant qu’ils ont cependant eu à s’ « expliquer dernièrement auprès du médecin inspecteur de la santé, suite à [leur] pratique spécifique de dispensation du Subutex® ».
Interrogé par l’OIP sur la poursuite de cette pratique contraire à l’avis de l’AFSSAPS, la direction du centre hospitalier universitaire de Reims, dont dépend l’UCSA de la maison d’arrêt, répond le 4 novembre 2005 « qu’à ce jour il n’existe aucun essai avec publication scientifique indépendante qui ait démontré l’inefficacité et la dangerosité du Subutex® lorsque le comprimé est écrasé » , justifiant le maintien de cette pratique par le fait que « les médecins des UCSA sont confrontés à une population dont le motif d’incarcération, pour certains, fait suite à une infraction à la législation sur les stupéfiants » et qu’ « il n’est donc pas choquant qu’ils essaient de concilier l’intérêt des patients et le respect de la loi qui condamne les trafics de stupéfiants, notamment en milieu carcéral ».
Etabli en avril 2003 à la demande de la Commission nationale consultative des traitements de substitution, un rapport sur l’organisation des soins en matière de substitution en milieu carcéral, constate que « ce trafic autour du médicament de substitution n’est pas alimenté uniquement à partir des prescriptions internes aux établissements » et « recommande d’éviter la pratique du pilage des comprimés qui ne semble pas empêcher le trafic et dont la symbolique est ambigüe ». Les auteurs demandent que « l’on soit plus attentif à une individualisation de la prise qu’à son contrôle systématique », entendant par individualisation de la prise l’ « adaptation des rythmes et des lieux de distribution en fonction de l’histoire singulière du détenu, suivant les contraintes organisationnelles et pharmacologiques habituelles ».
Au niveau national, le rapport de la conférence de consensus tenue en juin 2004 sur le sujet considère que « la situation reste insatisfaisante », notamment en raison des « disparités selon les régions et les types d’établissements ». Selon le bilan dressé en décembre 2004 par l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT), « pour 22 établissements sur les 109 pour lesquels une réponse est connue (20%), la DDASS a signalé un problème d’acceptation de la substitution ».
Saisie par l’OIP en juillet 2004, l’IGAS informe avoir « saisi la direction générale de la santé (sous-direction politique des produits de santé – bureau du médicament) pour qu’une analyse du bénéfice-risque soit entreprise afin de tenter d’adapter les modes de dispensation de ce produit au contexte particulier de la délivrance en détention ».
L’OIP rappelle la loi du 18 janvier 1994 relative à la prise en charge sanitaire des détenus, dont l’objectif est d’offrir aux détenus « une qualité et une continuité de soins équivalentes à ceux offerts à l’ensemble de la population. »