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Le Conseil d’Etat impuissant face aux conditions indignes de détention à la maison d’arrêt de Nîmes

Saisi en référé par l’OIP sur les conditions de détention de la prison de Nîmes, le Conseil d’Etat a, confirmé dans une décision du 30 juillet 2015, qu’elles exposaient les personnes détenues à un traitement inhumain ou dégradant portant une atteinte grave aux libertés fondamentales. Mais, considérant qu’il ne relève de sa compétence que de prescrire des mesures d’urgence susceptibles d’avoir un effet sur la situation à très bref délai, le Conseil d’Etat n’ordonne à l’administration que des mesures cosmétiques sans effet sur la surpopulation, à l’origine de ces atteintes aux droits.

Les conditions de détention de la maison d’arrêt de Nîmes sont dénoncées depuis des années comme particulièrement inhumaines. Avec une capacité de 192 places, l’établissement accueillait au 1er juillet 2015 357 personnes, le plaçant dans le peloton de tête des établissements les plus surpeuplés de France. Depuis des années, le taux d’occupation dépasse régulièrement les 200%, atteignant des pics de 240%. Les personnes détenues peuvent être entassées dans des cellules d’une superficie moyenne de 9m2. Chaque soir, des matelas sont posés au sol ou sur des armoires. Dans le rapport de sa visite effectuée en 2012, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) notait que « si l’on retranche la surface au sol des différents meubles et espaces dédiés aux coins sanitaires et à la literie, seul subsiste un espace disponible de l’ordre de 1,33m2 par personne ». Chaque cellule est par ailleurs équipée de toilettes qui ne sont séparées du reste de la pièce que par une simple cloison en bois, ne préservant ni de l’intimité ni des nuisances sonores ou olfactives. Outre des conditions matérielles et d’hygiène particulièrement dégradées, cette situation de promiscuité engendre des violences et tensions accrues.

Depuis des années, le taux d’occupation dépasse régulièrement les 200%, atteignant des pics de 240%. Les personnes détenues peuvent être entassées dans des cellules d’une superficie moyenne de 9m2. Chaque soir, des matelas sont posés au sol ou sur des armoires.

La maison d’arrêt de Nîmes est également marquée par sa vétusté, l’insalubrité de ses infrastructures, des carences en matière de sécurité et un accès aux soins limités. Le délai d’attente pour obtenir un premier rendez-vous avec un psychologue, en moyenne de six mois, a atteint jusqu’à 12 mois à la fin de l’année 2014. Le manque d’effectif des personnels d’insertion et de probation prive les personnes détenues d’une véritable préparation à leur sortie. Et le budget alloué à la réinsertion, diminué entre 2012 et 2013, ne permet qu’à une petite minorité de détenus de participer à des activités, contraignant la grande majorité des autres à rester enfermés en cellule 21 heures sur 24.

Des pouvoirs publics restés inactifs malgré de nombreuses alertes

Les rapports alertant les pouvoirs publics sur les conditions indignes résultant de cette surpopulation alarmante se sont succédé au fil des ans. En 2007, la Commission nationale de déontologie de la sécurité estimait que les conditions de vie ne « satisfaisa[i]t pas aux exigences de respect de la dignité humaine » et appelait à ce que « toutes mesures soit prises au niveau national » pour remédier à la sur-occupation. A l’issue d’une visite de la maison d’arrêt effectuée en 2012, le député Fabrice Verdier alertait sur « des conditions de vie dignes du 19e siècle ». De son côté, le directeur interrégional des services pénitentiaires de Toulouse pointait en septembre 2014 un « contexte explosif ».  Malgré ce constat, aucun moyen supplémentaire n’a été alloué pour développer les mesures en milieu ouvert susceptibles de désengorger l’établissement. Le budget de la maison d’arrêt a même été réduit d’année en année, et aucune rénovation d’ampleur n’a été réalisée depuis quarante ans alors même que les locaux ne cessent de se dégrader sous l’effet de la surpopulation.

La justice française dans l’incapacité de mettre fin à une situation d’atteinte aux droits

Face à cette inertie, la section française de l’OIP a saisi le juge administratif en juillet 2015, rejoint dans cette démarche par l’ordre des avocats de Nîmes, le Syndicat de la magistrature et le Syndicat des avocats de France. Les organisations demandaient la réalisation de travaux de réfection ainsi que l’allocation aux services judiciaires et pénitentiaires de moyens supplémentaires afin, d’une part, de remédier au manque structurel d’activités au sein de l’établissement et aux divers dysfonctionnements des services d’insertion et de soin, et d’autre part de permettre le développement du prononcé des aménagements de peine et des mesures alternatives à l’incarcération.

Le 17 juillet dernier, le tribunal administratif de Nîmes rejetait la requête de l’OIP, estimant qu’il n’y avait pas d’atteinte grave aux droits fondamentaux et que la situation d’urgence n’était pas démontrée.

Dans son ordonnance du 30 juillet, le Conseil d’Etat revient sur cette décision. Constatant que les conditions de détention « qu’aggravent encore la promiscuité et le manque d’intimité qu’elles engendrent, exposent les personnes qui y sont soumises à un traitement inhumain ou dégradant, portant ainsi une atteinte grave à une liberté fondamentale », il ordonne à l’administration pénitentiaire de « prendre dans les meilleurs délais, toutes les mesures qui apparaîtraient de nature à améliorer, dans l’attente d’une solution pérenne, les conditions matérielles d’installation des détenus pendant la nuit ». Il lui demande par ailleurs d’améliorer l’accès aux produits d’entretien des cellules et à des draps et couvertures propres, et de mettre en œuvre, dans les meilleurs délais, des travaux de prévention des risques d’incendie.

Dans le même temps, la plus haute juridiction administrative de France se déclare incompétente pour ordonner les mesures réclamées par l’OIP pour mettre fin de manière durable aux traitements inhumains et dégradants engendrés par la surpopulation carcérale. Pourtant, tant qu’aucune mesure structurelle ne sera prise pour limiter le recours à l’incarcération, les personnes détenues à la maison d’arrêt de Nîmes resteront soumises à des mauvais traitements. Face à l’impuissance de la justice administrative française, l’OIP entend continuer à saisir la Cour européenne des droits de l’homme, dans l’objectif d’exiger de l’Etat français qu’il s’attaque aux causes profondes des atteintes aux droits de l’homme en détention.

L’OIP rappelle :
L’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales dispose que « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ».

A lire :
le dossier de presse de l’OIP sur la surpopulation et les conditions de détention indignes à la maison d’arrêt de Nîmes.

Dans la presse :
Traitements inhumains à la maison d’arrêt de Nîmes : le Conseil d’Etat fait changer les draps, sur le Blog de Franck Johannes (Le Monde)