Le procureur de Dunkerque vient par une décision exceptionnelle d'ordonner la suspension de l'exécution des écrous jusqu'au 5 septembre, à l'exception des peines d'emprisonnement pour les faits les plus graves (infractions à caractère sexuel, violences en récidive, etc.). Il évoque une situation de sur-occupation (137 détenus pour 105 places au 1er juillet) dans la maison d'arrêt, avec des matelas par terre, des problèmes d'hygiène, des risques de tensions et de violences accrus... L'OIP a également connaissance sur cet établissement de dortoirs de 16m2 où s'entassent 11 détenus pour 8 places théoriques.
La situation de Dunkerque n’a rien d’exceptionnel en cette période de record historique du nombre de personnes incarcérées. Le record du nombre de détenus a été atteint le mois dernier (64 971 détenus au 1er juin), il est de 64 726 au 1er juillet. 80% des maisons d’arrêt ou quartiers maison d’arrêt dépassent actuellement leur capacité d’accueil (100%). Certains établissements se situent même au-delà d’un taux d’occupation de 180%, telles les maisons d’arrêt de Longuenesse, de Laval, Tours, Orléans…
Cette situation apparaît comme la conséquence directe des instructions adressées par le gouvernement aux Parquets suite à l’affaire de Pornic de janvier dernier, afin qu’ils mettent à exécution l’ensemble des peines et mesures en attente. Réagissant dans la précipitation suite à un fait divers tragique, le gouvernement s’est une nouvelle fois peu soucié des conditions dans lesquelles ces peines seraient appliquées, avec des conséquences indignes pour les détenus et les personnels pénitentiaires.
Les condamnations de l’Etat par les tribunaux administratifs pour des « conditions de détention n’assurant pas le respect de la dignité inhérente à la personne humaine » se multiplient, les dernières en date concernant les établissements de Nanterre et Bois d’Arcy, issus des programmes immobiliers des années 90. En juin 2010, le tribunal administratif avait déjà condamné l’Etat à verser des indemnités de 250 à 4000 euros à 38 personnes détenues ou anciennement détenues à la maison d’arrêt de Rouen.
Pour toute réaction, la Chancellerie demande aujourd’hui au procureur de Dunkerque de revenir sur ses instructions, maintenant sa préoccupation d’afficher un meilleur taux d’exécution des peines, au détriment de toute démarche de prévention de la récidive et de réinsertion et du respect de l’article 22 de la loi pénitentiaire adoptée fin 2009, selon lequel « l’administration pénitentiaire garantit à toute personne détenue le respect de sa dignité et de ses droits ».
Pour l’OIP, le procureur de Dunkerque s’inscrit dans son rôle de gardien des libertés individuelles lorsqu’il reporte l’exécution de certaines peines dans les conditions actuelles. L’association appelle l’ensemble des Parquets à suivre le même exemple, afin de mettre l’Etat face aux conséquences de sa politique pénale.