La section française de l'OIP informe des faits suivants :
Placé au quartier disciplinaire puis à l'isolement, alors qu'il souffrait d'une pathologie psychiatrique lourde et avait déjà tenté de se suicider, un jeune homme s'est pendu le 5 novembre à la maison centrale de Saint-Martin-de-Ré (Charente- Maritime). Il est décédé le 7 novembre 2008 au Centre hospitalier de la Rochelle.
M.S., âgé de 26 ans, s’est pendu avec son drap dans une cellule du quartier d’isolement le 5 novembre. Évacué dans un état critique au centre hospitalier universitaire de La Rochelle, il est décédé deux jours plus tard.
Selon des informations confirmées par l’Unité de consultation et de soins ambulatoires (UCSA), le jeune homme souffrait d’une pathologie psychiatrique lourde, notamment un syndrome délirant avec des bouffées d’agressivité, pour laquelle il prenait quotidiennement un traitement. Son état avait déjà nécessité des hospitalisations d’office. Selon un intervenant, il était fréquemment prostré, faisait l’objet de brimades de la part de certains co-détenus et demandait à tout prix à être de nouveau hospitaliser.
Malgré cette pathologie, le jeune homme était placé à l’isolement depuis presque trois semaines. Auparavant, il avait été placé au quartier disciplinaire, le 11 octobre, pour avoir agressé un surveillant à l’arme blanche le jour même, sans lui occasionner de blessures. Le médecin responsable de l’UCSA et un médecin psychiatre avaient alors jugé que son état n’était pas incompatible avec la sanction. Ce n’est qu’au bout de six jours, qu’un médecin psychiatre a estimé que la sanction devait être levée. Il a alors été placé au quartier d’isolement.
Début octobre, des faits similaires étaient déjà survenus. Muni d’un couteau, M.S. avait couru après un surveillant, sans l’atteindre. Il avait été placé au quartier disciplinaire où il avait déjà tenté de se suicider.
Contacté le 19 novembre par la coordination régionale Poitou-Charentes de l’OIP-SF, la direction de l’établissement n’a pas voulu s’exprimer sur ce sujet.
L’OIP rappelle :
– le rapport du Commissaire européen aux droits de l’homme, rendu public le 20 novembre 2008, qui souligne « qu’au lieu d’être hospitalisés, certains malades relevant de la psychiatrie sont placés en quartier d’isolement, voire en quartier disciplinaire ou encore font l’objet de régimes de détention plus stricts, dans le cadre des régimes différenciés. »
– L’arrêt Renolde c/ France du 16 octobre 2008 de la Cour européenne des droits de l’homme, qui a jugé que, « à la lumière de l’obligation positive de l’État de prendre préventivement des mesures d’ordre pratique pour protéger tout individu dont la vie est menacée, on peut s’attendre à ce que les autorités, qui sont en présence d’un détenu dont il est avéré qu’il souffre de graves problèmes mentaux et présente des risques suicidaires, prennent les mesures particulièrement adaptées en vue de s’assurer de la compatibilité de cet état avec son maintien en détention» et estimé que « le placement en cellule disciplinaire isole le détenu, en le privant de visites et de toute activité, ce qui est de nature à aggraver le risque de suicide lorsqu’il existe » (CEDH, Renolde c/France, 16 octobre 2008).
– L’article D.398 du code de procédure pénale aux termes duquel « les détenus atteints des troubles mentaux […] ne peuvent être maintenus dans un établissement pénitentiaire ».
– Le rapport du Professeur Terra sur la prévention du suicide des personnes détenues, publié en décembre 2003, rappelant que « les détenus dont la crise suicidaire prend le masque de l’agressivité ne peuvent pas être mis au quartier disciplinaire sans risquer d’accélérer la progression de leur détresse ».