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Maison d’arrêt de Chambéry : trente heures pour hospitaliser une détenue atteinte de troubles cardiaques, faute d’escorte

La section française de l'Observatoire international des prisons (OIP) informe des faits suivants :

Faute d'escorte, l'hospitalisation d'une femme souffrant de problèmes cardiaques, incarcérée à la maison d'arrêt de Chambéry (Savoie), n'a pu être réalisée qu'une trentaine d'heures après la décision médicale. L'administration pénitentiaire invoque le manque de personnel l'empêchant d'assurer le transport vers l'hôpital, tandis que les policiers affirment ne pouvoir palier aux carences de la première. Un problème qui dure depuis des années et met en danger la santé des personnes incarcérées.

Souffrant depuis plusieurs jours de douleurs thoraciques, Mme C.S. a présenté, samedi 21 juin en fin de matinée, des troubles importants du rythme cardiaque. En l’absence de médecin au sein de l’établissement les week-ends, sa prise en charge médicale a été assurée par le Centre 15 et SOS médecin et a nécessité l’intervention des pompiers à la maison d’arrêt vers 13 h. Au vu des résultats des premiers examens réalisés sur place et des symptômes présentés, pouvant être en rapport avec une maladie cardiaque, décision a été prise d’hospitaliser C.S. Si le risque de survenance d’un infarctus aigu paraissait exclu, des examens complémentaires étaient nécessaires afin d’écarter d’autres risques, tels qu’une infection coronarienne. Aucune escorte n’a cependant pu être mise en place afin d’assurer son transfert de la prison à l’hôpital. C.S. n’ y a été conduite que le lendemain vers 22h, après une nouvelle intervention de SOS médecin, et a dû y rester plusieurs jours.

Contactée par téléphone le 10 juillet 2008, la direction interrégionale des services pénitentiaires « confirme qu’il y a bien eu un problème [pour assurer l’escorte de C.S.] mais ne souhaite pas émettre de commentaires plus particuliers ». Elle précise toutefois que « lorsqu’il y a un problème, l’administration pénitentiaire est active et entend trouver des solutions aux éventuels dysfonctionnements en cause ». Selon le commissariat de police cependant, l’administration pénitentiaire, invoquant « des problèmes d’effectifs », « ne remplit pas les charges d’extractions médicales qui lui incombent en vertu des textes règlementaires ». Par convention tacite, la police s’en charge donc tant bien que mal depuis des années. Quant à la préfecture, elle assure « être sensible à cette situation. Ces problèmes sont gérés au cas par cas. À chaque fois que la maison d’arrêt appelle le responsable préfectoral, ce dernier intime l’ordre aux forces de police d’intervenir quand c’est nécessaire. En outre, le préfet organise depuis des années des réunions de concertation entre les partenaires pour essayer de trouver une solution ».

Le problème rencontré par Mme C.S. n’est en effet ni isolé, ni récent. Le rapport d’activité réalisé par l’UCSA pour l’année 2005 faisait déjà apparaître les difficultés d’accès aux soins liées aux problèmes d’escortes non assurées pour les déplacements de la prison vers l’hôpital le week-end. Au titre des difficultés rencontrées pour la gestion des urgences, le rapport mettait ainsi en lumière le flou entourant les responsabilités : « Qui doit escorter le détenu en dehors des heures « ouvrables » de la maison d’arrêt au centre hospitalier de Chambéry ? Police ou administration pénitentiaire ? Les délais d’extractions dans ces conditions sont parfois longs… ». Survenant de manière itérative, les problèmes liés à l’hospitalisation des personnes détenues ont à nouveau été mis en avant dans le procès verbal de la commission de surveillance de la maison d’arrêt de Chambéry le 9 octobre 2007, qui insistait sur l’urgence de trouver un consensus « pour que les détenus aient les mêmes égards que tout patient en cas d’hospitalisation ».

 

L’OIP rappelle que :

– l’article L.1110-1 du Code de la santé publique énonce que « le droit fondamental à la protection de la santé doit être mis en oeuvre par tous moyens disponibles au bénéfice de toute personne »

-la Cour européenne des droits de l’homme considère que l’interdiction des traitements inhumains et dégradants « impose à l’Etat de s’assurer que tout prisonnier est détenu dans des conditions qui sont compatibles avec le respect de la dignité humaine, que les modalités d’exécution de la peine de prison ne soumettent pas l’intéressé à une détresse ou à une épreuve d’une intensité qui excède le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention et que, eu égard aux exigences pratiques de l’emprisonnement, la santé et le bien-être du prisonnier soient assurés de manière adéquate, notamment par l’administration de soins médicaux requis » (CEDH, 26 octobre 2000, Kudla c/Pologne).