Free cookie consent management tool by TermsFeed

Maison d’arrêt de Lyon-Corbas : menacé par des codétenus, Samir F. reste au quartier disciplinaire depuis 108 jours sans que l’administration ne réagisse

Alors même qu’un placement en cellule disciplinaire ne peut en principe excéder 30 jours, Samir F. est détenu au « mitard » de la maison d’arrêt de Lyon-Corbas depuis 108 jours. Il refuse de réintégrer la détention ordinaire à la suite de menaces de ses codétenus. Face à l’absence de « preuves » des menaces alléguées, l’Administration pénitentiaire a choisi de s’abstenir d’agir, aussi longtemps que l’intéressé refusera son affectation en bâtiment ordinaire. Après plus de 3 mois de quartier disciplinaire, aucune suite favorable n’a été donnée à ses demandes de transfert ou de placement au quartier d’isolement.

Depuis le 20 janvier, Samir F. est détenu en cellule disciplinaire à la maison d’arrêt de Lyon-Corbas. Initialement, il y avait été placé pour avoir refusé de « se rendre dans sa nouvelle affectation » en détention. Au surveillant chargé de l’enquête, il expliquait : « j’ai refusé d’aller à la MAH2 pour ma propre sécurité et pour des raisons de conflits. J’en ai parlé au chef du bâtiment, il sait que je suis menacé, je voudrais aller à l’isolement ». L’autorité disciplinaire le sanctionnait de 5 jours de quartier disciplinaire, relevant que l’intéressé « évoque des menaces pour (…) garder des portables ». Depuis le 25 janvier 2014, date de la fin de sa sanction, Samir refuse de réintégrer la détention ordinaire, redoutant que ses codétenus ne mettent leurs menaces à exécution. Au total, il a déjà passé 108 jours au « mitard », alors que le maximum légal est de 30 jours, et de 14 pour la faute disciplinaire qui lui était reprochée.

Pour assurer sa protection, Samir a demandé un placement au quartier d’isolement ou un transfert dans un autre établissement pénitentiaire. Il refuse d’être affecté dans un autre bâtiment de la maison d’arrêt de Lyon-Corbas, expliquant que « tous les bâtiments communiquent », si bien que cette mesure ne serait pas suffisante pour garantir sa sécurité. Samir déplore néanmoins les conséquences de sa détention prolongée au quartier disciplinaire, précisant ne plus avoir accès à des activités et ne bénéficier que d’un parloir par semaine au lieu de deux. Et sa compagne d’ajouter : « on lui demande de choisir entre son confort et sa sécurité, il a choisi la sécurité ».

Contacté par l’OIP le 14 avril, le chef d’établissement convenait déjà que « 84 jours c’est énorme, ce n’est pas normal », tout en précisant que « c’est une décision de fait du détenu lui-même (…), la volonté de la commission de discipline n’était pas du tout d’aboutir à un séjour de cette longueur ». Sur la procédure à mettre en oeuvre en pareille situation, le directeur explique avoir donné consigne par note de service : « quotidiennement, on l’interroge sur sa volonté de rester au quartier disciplinaire coûte que coûte et on s’assure qu’il n’envisage pas d’aller en détention normale ».

Il ajoute que « le quartier d’isolement est plein » ce qui l’oblige « à ne pas accéder aux demandes d’isolement faites spontanément, et de rechercher parmi ceux qui font des demandes, lesquels sont en difficulté réelle ». Ce qui ne semble pas être selon lui le cas de Samir, estimant que « les éléments qu’il donne par rapport à la mise en danger qu’il subirait en détention ordinaire, (…) ne sont pas flagrants. »

Un personnel de direction interrogé par l’OIP relève pour sa part qu’« il y’a eu des périodes où ces situations étaient courantes » mais que généralement « au bout de deux mois, la DISP [direction interrégionale] se saisit du dossier et le transfert ou l’isolement sont envisagés ». Pour Samir, après plus de trois mois passés au quartier disciplinaire, force est de constater que ni transfert ni isolement n’ont été mis en place.

L’OIP rappelle :

– que la loi pénitentiaire n°2009-1436 du 24 novembre 2009 énonce à l’article 91 que « le placement en cellule disciplinaire ou le confinement en cellule individuelle ordinaire ne peuvent excéder vingt jours, cette durée pouvant toutefois être portée à trente jours pour tout acte de violence physique contre les personnes. »

– que selon l’article 44 de la loi du 24 novembre 2009, « L’administration pénitentiaire doit assurer à chaque personne détenue une protection effective de son intégrité physique en tous lieux collectifs et individuels. »