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Plan pénitentiaire : l’esbroufe, nouvel épisode

« C’est un plan global et cohérent », que la ministre de la Justice se targue d’avoir présenté ce 12 septembre à l’issue du Conseil des ministres. En fait de plan, il ne s’agit que du regroupement d’annonces distillées au gré de l’actualité politique et pénitentiaire des derniers mois. Une opération de communication qui tente de donner sens à une politique du « en même temps » que l’on sait pourtant vouée à l’échec.

Moins de détenus : une illusion ?

« 8000 détenus en moins », annonce en fanfare la chancellerie, qui prétend vouloir mettre un terme aux courtes peines d’emprisonnement, « plus désocialisantes que réinsérantes ». Un chiffre qui, rapporté à la réalité carcérale, témoigne de son peu d’ambition : près de 20 000 personnes sont aujourd’hui détenues en exécution d’une peine de moins d’un an (11 000 de moins de six mois).

Surtout, les mesures envisagées pour y parvenir ne sont ni innovantes ni pertinentes. Le principe de privilégier systématiquement les alternatives et les aménagements de peine aux courtes peines des prisons est déjà consacré par notre droit depuis des années. Plutôt que de le renforcer, le projet gouvernemental l’affaiblit en réduisant les possibilités d’aménagement des peines de 6 à 12 mois et en empêchant l’aménagement des peines supérieures à un an. « La limitation du recours à l’aménagement de peine accroîtra le nombre de détenus entre six mois et deux ans », admet d’ailleurs l’étude d’impact de son projet de loi. Pour ce qui est des peines de moins de six mois, le gouvernement envisage que 40% des personnes concernées continueront à les purger en détention. Quant à l’interdiction des peines de moins d’un mois, il s’agit d’une annonce purement symbolique, qui concerne tout au plus 300 personnes.

La refonte de l’échelle des peines annoncée n’en est en fait pas une. La prison reste l’unique peine de référence. En restant dans une logique comptable, le gouvernement ne s’attaque pas fondamentalement aux facteurs de la sur incarcération : l’augmentation continue du périmètre de la justice pénale, le manque de moyens alloués à la justice pour prendre le temps d’envisager une sanction autre que la prison plus adaptée à la situation, la banalisation du recours à la détention provisoire, l’allongement des peines, le peu d’investissement dans la probation, etc.

Davantage de prisons : une certitude !

L’annonce renouvelée de la construction de 15 000 nouvelles places de prison, un plan d’une ampleur inédite, intègre d’ailleurs l’échec de la réforme. D’autant qu’une partie des nouveaux établissements est vouée à accueillir les détenus condamnés à des courtes peines de moins d’un an, ceux-là même dont il s’agissait d’éviter l’incarcération…

Or, ne nous y trompons pas, la construction de prisons créera un nouvel appel d’air en faveur de l’incarcération. Depuis 30 ans, une dizaine de milliards d’euros a été engagée dans la création de plus de 20 000 places, et le nombre de détenus a progressé d’autant. Et ce sans corrélation avec la délinquance, qui reste globalement constante, mais avec, toujours, le même dommage collatéral : le délaissement de l’entretien et de la rénovation des établissements existants – un tiers du parc est aujourd’hui vétuste et insalubre. La garde des Sceaux l’a d’ailleurs reconnu : avec 1,7 milliard d’euros mobilisés pour la construction de nouvelles prisons, « nous  pourrons rénover des prisons, mais certainement pas tout notre parc en un an, ni même en cinq »[1].

Favoriser la réinsertion : le miroir aux alouettes

Le gouvernement s’enorgueillit de proposer « des actions concrètes pour faciliter la réinsertion des détenus ». En fait de concret, les annonces en la matière sont creuses, floues, parcellaires et surtout, pas à la hauteur de l’urgence. Car, rappelons-le, le quotidien en maison d’arrêt, c’est être confiné 22h sur 24 en cellule. Or le plan ne contient pas un mot sur le développement des activités. Concernant la formation professionnelle, délaissée au point que 85 % des détenus n’y ont pas accès, il se contente d’évoquer « un travail mené avec les régions » qui en ont la charge avec « un effort d’investissement » de l’État, sans plus de précision. Pour donner le change sur  la prise en compte de la question du travail en prison, le gouvernement l’intègre opportunément, au pied levé, au champ de compétences de l’agence du travail d’intérêt général initialement prévue, créant une confusion totale tant sur le contenu que sur la finalité de l’un et de l’autre. Et passe sous silence l’introduction du droit du travail en prison, pourtant annoncée par le président en mars dernier. Un flou qui contraste violemment avec la précision des mesures prévues en matière de sécurité pénitentiaire : point qui bénéficie, lui, d’un budget dédié (plus de 80 millions d’euros), et d’actions déclinées (acquisitions de filins anti-projections et anti-hélicoptères, de brouilleurs de téléphone portable, dispositif de lutte contre les drones, renforcement des effectifs du renseignement, etc.). Un secteur qui ne connaît pas la crise…

L’ensemble de ces mesures est censé être soumis au vote du parlement. Mais par cette opération de communication, et en faisant fi des travaux parlementaires à venir, le gouvernement prend pour acquis un plan qui, de par les enjeux de société qu’il soulève, mériterait pourtant un véritable débat démocratique.

Contact presse : Pauline De Smet – 01 44 52 88 00 – 07 60 49 19 96

[1] Les Échos, 12 septembre 2018.

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