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Privés d’assister aux obsèques de leurs proches faute d’escorte

Mi-octobre, une personne incarcérée à la maison d’arrêt de Bois d’Arcy n’a pas pu assister aux obsèques de son père, malgré une autorisation du juge. En cause, l'absence de forces de l'ordre disponibles pour l’escorter. Une situation récurrente qui porte une atteinte grave aux droits fondamentaux des personnes détenues.

« Mon compagnon a perdu son papa la semaine dernière. Nous avions réussi à avoir une autorisation de sortie par le juge d’instruction afin qu’il puisse assister aux funérailles. La directrice avait donné son accord. L’enterrement était aujourd’hui, et une heure avant la cérémonie ils ont prévenu qu’il n’y avait pas assez de personnel pour escorter P. […] Hormis la souffrance de notre deuil, pourquoi infliger aux familles et aux prisonniers une double peine ? Ma colère est immense et je suis très peinée d’imaginer dans quel désarroi P. se trouve, entouré de quatre murs pendant que l’on enterre son papa. Il ne faut pas promettre des choses que l’on ne peut pas réaliser. »

La détresse de cette compagne de détenu s’exprime dans un courrier reçu le 19 octobre dernier à l’OIP. Elle fait malheureusement écho aux témoignages réguliers de personnes détenues empêchées d’assister aux obsèques d’un proche, malgré l’octroi d’une autorisation de sortie exceptionnelle. En août dernier, Monsieur J., incarcéré à Val-de-Reuil, n’a pu assister aux obsèques de son frère malgré une décision de justice favorable. Durant l’été, l’OIP a été alerté de situations similaires pour des personnes détenues à Rennes et à Nantes.

Pour justifier ces dysfonctionnements, les pouvoirs publics invoquent le plus souvent un « défaut d’escorte » – comprendre le manque de surveillants ou de forces de l’ordre disponibles pour l’extraction. En 2016 déjà, la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL), Adeline Hazan, soulignait l’ampleur du phénomène. Et remarquait : « Les difficultés invoquées sont alors le manque d’effectif ou l’insuffisance du temps imparti pour planifier les escortes. Or, ces autorisations sont la plupart du temps accordées à l’occasion d’événements exceptionnels tels qu’un décès ou une naissance, par nature non planifiés. »[1]

Plus inquiétant : d’après la CGLPL, il ne serait pas rare que des juges, anticipant les problèmes d’organisation des escortes, refusent d’emblée des autorisations de sortie. « Dans certains ressorts, la juridiction d’application des peines s’adapte en réservant expressément sa décision d’octroi de l’autorisation demandée à la disponibilité des escortes – décision que j’estime également susceptible de porter atteinte aux droits des personnes concernées », remarque Adeline Hazan [2].

La permission de sortir pour raisons familiales (telles que la maladie ou le décès d’un proche, un accouchement, etc.), d’une durée maximale de trois jours, est en théorie possible pour les personnes condamnées à une peine inférieure ou égale à cinq ans ou pour les condamnés à une peine de plus de cinq ans ayant déjà effectué la moitié de leur peine. Elle se fait alors sans escorte. Dans les autres cas, on parle d’autorisation de sortie sous escorte. Ces mesures sont soumises à l’appréciation du juge de l’application des peines (pour les condamnés) ou du magistrat en charge de la procédure (pour les prévenus) [3]. Elles s’inscrivent dans le cadre du droit au respect de la vie privée et familiale, garanti par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme [4]. En 2002, une décision de la Cour européenne des droits de l’homme était d’ailleurs venue rappeler que, lorsqu’il n’existe aucun risque de fuite, un détenu doit être autorisé à quitter la prison pour assister aux obsèques d’un proche parent [5]. Plus qu’un grave dysfonctionnement, la non-exécution des sorties accordées par le juge constitue une atteinte aux droits fondamentaux des personnes détenues. Elle entraîne souvent des tensions face à ce déni de droit, ainsi que de lourdes conséquences psychologiques pour les personnes détenues et leurs proches, empêchés de faire leur deuil dignement.

Contact presse : Pauline De Smet · 01 44 52 88 00 · 07 60 49 19 66

[1] Rapport d’activité 2016.
[2] Dans un courrier de réponse à une saisine de personne détenue, transmis à l’OIP.
[3] Seuls les refus du juge de l’application des peines peuvent faire l’objet d’un recours, auprès président de la chambre de l’application des peines.
[4] Article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.
[5] Affaire Ploski c/Pologne, 12 novembre 2002.

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