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Scandale pénitentiaire en Guyane

Bras de fer entre le directeur et certains personnels de la prison de Rémire, surveillants de FO sanctionnés pour avoir déclenché un début de mutinerie, graves violences de la part de détenus mais aussi de surveillants sur fond de conditions de détention indignes… L’OIP interpelle sur un imbroglio pénitentiaire en Guyane à propos duquel la Chancellerie de Christiane Taubira a cherché à garder le secret.

Le 10 février, cinq surveillants du centre pénitentiaire de Rémire-Montjoly ont été sanctionnés par le conseil de discipline de la Direction de l’administration pénitentiaire. Une révocation définitive et quatre suspensions temporaires, dont l’une avec mutation en métropole… Il s’agit d’un niveau de sanction rarement observé dans la pénitentiaire. Tous syndiqués FO, ces personnels s’étaient engagés dans un bras de fer avec le nouveau directeur, Jean-Philippe Mayol, en poste depuis décembre 2014.

Dans un mouvement social réclamant son départ, initié quelques temps après la suspension de deux agents de FO, ils dénonçaient une attitude « colonialiste » du directeur et sa mauvaise gestion d’une épidémie de tuberculose. Deux affirmations dénoncées comme sans fondement, d’une part par le second syndicat pénitentiaire de l’établissement, l’UFAP et d’autre part par les autorités sanitaires. Ils avaient également bloqué les cantines destinées aux détenus pendant six jours,en juin 2015, faisant monter d’un cran la pression en détention, dans un contexte déjà tendu d’extrême surpopulation. Des détenus avaient alors engagé un mouvement de protestation, refusant de retourner dans leurs cellules après la promenade.

Cour de la prison de Remire-Montjoly, en Guyane

Sur ces « événements graves au cours desquels un début de mutinerie a succédé à un mouvement de personnel », la garde des Sceaux Christiane Taubira annonce le 5 janvier avoir « saisi les services de l’Inspection des services judiciaires aux fins d’investigation pour que la lumière soit faite sur les défaillances et responsabilités éventuelles » (Assemblée nationale, JO du 5/01/16). Le plus grand secret sera gardé sur le contenu du rapport de cette inspection. Il est cependant à l’origine des poursuites disciplinaires contre les agents impliqués. Mais aussi de la mutation du directeur… dont le motif reste inconnu de l’OIP.

Les détenus de Rémire avaient assorti leur protestation d’un courrier daté du 18 juin. Outre l’état d’insalubrité dénoncé de longue date, ils y décrivaient les pratiques de certains surveillants et gradés : « menaces », « machinations » pour attiser les violences entre détenus (désignation de l’un comme étant une « balance », fouille de tous les détenus sauf un dans une cellule…), affectation dans les mêmes cellules de détenus en conflit, « fouilles corporelles excessives », « manque de respect » à l’égard des femmes en visite au parloir… Au point de craindre « qu’un jour, ces méthodes mettent en danger de mort l’un d’entre nous » [deux détenus ont depuis été tués par l’un de leur codétenus, l’un en août 2015, l’autre en février 2016]. En fin de pétition, ses rédacteurs remerciaient toutefois le directeur d’avoir « accepté de discuter » avec eux. Un directeur connu pour avoir, dans les précédentes prisons qu’il a dirigées, mis en place des procédures visant à gérer les conflits par la médiation et le dialogue. A Rémire aussi, il a mis en place un dispositif avec une cinquantaine de « détenus facilitateurs » : formés à la médiation, ils assurent des fonctions de représentants de la population pénale lors de réunions avec la direction et d’autres services de la prison, ils remontent les plaintes et demandes des détenus, ils jouent aussi le rôle de conseiller pour les arrivants…

Le centre pénitentiaire de Guyane est en effet le théâtre de graves violences depuis son ouverture en 1998, de la part de personnes incarcérées le plus souvent, mais aussi de la part de surveillants. L’OIP est régulièrement informé par des détenus de plaintes déposées au Parquet pour des violences de personnels pénitentiaires. Ils déplorent l’absence de suite donnée, tant au niveau judiciaire que pénitentiaire. Fin janvier 2016, dans un courrier à l’OIP, un détenu signale qu’après avoir été frappé par un surveillant, il a tenté de déposer plainte. Mais,  « intimidé par d’autres surveillants j’ai dû retirer ma plainte, que j’ai l’intention de poursuivre à ma sortie de prison ». Le 1er février 2016, plusieurs témoins signalent le tabassage d’un détenu par un surveillant dans une coursive. Sur cette affaire, une enquête serait en court. Mais il semble que ce n’ait pas été toujours le cas.

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