Le week-end de Noël, des personnes détenues au centre pénitentiaire de Villefranche-sur-Saône ont occupé pacifiquement la cour de promenade afin de réclamer l’amélioration de leurs conditions de détention. Des équipes de sécurité sont intervenues pour mettre fin à leur mouvement. Toute manifestation collective étant interdite en détention, l’OIP s’inquiète des risques de sanction à leur encontre.
Le week-end dernier, une quarantaine de personnes incarcérées à la prison de Villefranche-sur-Saône ont refusé de réintégrer leurs cellules à la fin de la promenade. Elles ont affiché dans la cour de promenade leurs revendications : pouvoir recevoir de la viande via les colis de Noël et acheter plus de produits hallal en cantine, la possibilité de faire du sport deux fois par semaine, un plus grand accès à des activités, ainsi que des douches plus longues. Ces revendications font écho à des problèmes soulevés par le Contrôle général des lieux de privation de liberté (CGLPL) lors de sa visite de décembre 2020. Il relevait en effet « un temps de pratique sportive insuffisant », recommandait que l’offre de produits frais halal commandables en cantine [soit] étendue à un nombre d’articles carnés plus important en quantité et plus diversifié en qualité » ou encore que « l’organisation des mouvements en détention [permette] aux personnes détenues d’accéder aux activités auxquelles elles se sont inscrites ».
D’après les informations recueillies par l’OIP, ces revendications collectives ont été portées dans le calme ; les personnes détenues étaient assises par terre dans la cour de promenade. Échouant à les convaincre de remonter en cellule, la direction de l’établissement a fait intervenir les Éris[1], qui ont procédé à la réintégration forcée des « manifestants » en cellule. Certains d’entre eux auraient été placés préventivement au quartier disciplinaire.
En détention, toute forme d’action collective est en effet interdite, et les possibilités d’expression collective sont fortement entravées[2]. D’après le code pénitentiaire, participer, ou tenter de le faire, à toute action collective « de nature à compromettre la sécurité des établissements ou à en perturber l’ordre » est constitutif d’une faute du premier degré – le niveau le plus élevé – et passible de vingt jours de quartier disciplinaire. Il est par ailleurs fréquent que les meneurs soient rapidement transférés dans un autre établissement. À ces réponses disciplinaires peuvent également s’ajouter des suites pénales : retrait de crédit de réduction de peine ou de remise de peine supplémentaire et, nouveauté introduite par la réforme Dupond-Moretti de décembre 2021, exclusion du bénéfice de la libération sous contrainte. Les règles pénitentiaires européennes précisent pourtant que « les détenus doivent être autorisés à discuter de questions relatives à leurs conditions générales de détention et doivent être encouragés à communiquer avec les autorités pénitentiaires ». Pour le Conseil de l’Europe il s’agit du respect du droit fondamental à l’expression mais aussi d’assurer la pacification de la détention en prévoyant « des voies de communication claires entre les parties ».
L’OIP sera attentif aux réponses qui seront apportées par l’administration pénitentiaire aux revendications des personnes détenues ayant pris part à cette action, et au risque de sanction à leur encontre. Il rappelle l’urgence que soit reconnu un droit d’expression collective aux personnes détenues.
[1] Les équipes régionales d’intervention et de sécurité (Éris) sont les unités de l’administration pénitentiaire chargées d’intervenir en cas de tensions (agression, mutinerie, évasion, etc.) dans un établissement pénitentiaire.
[2] Lire notamment : « Pour des droits collectifs en prison », Dedans Dehors n°114 – mars 2022.