Free cookie consent management tool by TermsFeed

Surpopulation carcérale : face à l’urgence, le réflexe prison a la peau dure

Alors que la population carcérale a augmenté de manière quasi constante ces derniers mois, de nombreux établissements pénitentiaires affichent désormais des taux inquiétants de sur-occupation. La propagation du virus en détention, conjuguée à des décisions de justice en cascade qui enjoignent à la France de garantir la dignité des personnes détenues, devraient pourtant inciter le gouvernement à prendre des mesures à la fois urgentes et drastiques.

Il y avait au 1er janvier 62 673 personnes détenues dans les prisons françaises. Ce chiffre, en légère baisse par rapport au mois précédent (- 262), ne reflète malheureusement pas la tendance récente : les établissements pénitentiaires abritent aujourd’hui près de 4 000 prisonniers en plus qu’il y a six mois. Si le pays avait connu une diminution inédite des incarcérations au début de la crise sanitaire, créant l’espoir que la France pouvait en finir avec la surpopulation qui gangrène ses prisons depuis des décennies, force est de constater que la justice n’a pas su saisir l’occasion qui lui était offerte, renouant très vite avec ses réflexes carcéraux.

Conséquence : 62 maisons d’arrêt ou quartier maisons d’arrêt connaissent actuellement des taux d’occupation de plus de 120 %, dix-neuf d’entre eux de plus de 150 %. C’est le cas notamment de la maison d’arrêt de Nîmes, qui accueille 386 détenus pour 200 places, ou encore des prisons de Bordeaux-Gradignan, Toulouse-Seysses, Béthune ou Villepinte, en région parisienne, qui connaissent des taux d’occupation respectifs de 176, 170, 163 et 157 %. Cette surpopulation touche aussi des prisons pour femmes et certains quartiers mineurs, pour lesquels l’encellulement individuel devrait pourtant être strictement respecté.

Dans le même temps, l’épidémie de Covid-19 se propage en prison. Au 26 janvier, on comptait 141 détenus positifs et 240 agents, des chiffres en nette augmentation par rapport aux jours précédents. Alors que pouvoirs publics et autorités sanitaires alertent sur les risques d’une propagation rapide du virus avec l’apparition de nouveaux variants, des mesures drastiques s’imposent pour rompre définitivement avec la surpopulation carcérale, offrir des conditions de détention dignes et permettre le respect des gestes barrières. La France y a d’ailleurs été invitée il y a tout juste un an par la Cour européenne des droits de l’homme qui, dans une décision historique, l’avait, le 30 janvier 2020, condamnée pour l’indignité de ses prisons.

Aussi, la section française de l’OIP, à l’instar de la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté, appelle le gouvernement à prendre des dispositions en urgence – comme cela avait été le cas lors du confinement du printemps dernier – afin d’alléger la pression sur les établissements surpeuplés. Avec une attention particulière, cette fois, sur les personnes placées en détention provisoire, et donc présumées innocentes, qui représentent 28% de la population carcérale. Au-delà de mesures d’urgence, l’OIP appelle le gouvernement à s’inscrire résolument dans une refonte de sa politique pénale et pénitentiaire. À court terme, cela passe par la mise en place d’un mécanisme de régulation carcérale contraignant. À moyen terme, par une révision en profondeur des facteurs qui concourent à l’inflation continue du nombre des incarcérations : l’augmentation du périmètre de la justice pénale, la banalisation du recours à la détention provisoire, le recours aux procédures de jugement rapide, l’allongement des peines, le peu d’investissement dans les alternatives à l’emprisonnement, etc.

À la pression sanitaire s’ajoute la pression contentieuse. En octobre dernier, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur l’impossibilité pour les personnes placées en détention provisoire de contester leurs conditions d’incarcération, imposant au législateur d’y remédier avant le 1er mars. Saisi du même sujet concernant les personnes condamnées, il devrait rendre prochainement sa décision, dont l’issue ne fait que peu de doutes. Après la cour de Strasbourg et les plus hautes juridictions françaises, il revient désormais au gouvernement de prendre ses responsabilités et d’agir au plus vite.

Contact presse : Pauline De Smet · 07 60 49 19 96