Le Conseil des droits de l’homme des Nations unies vient d’examiner le respect par la France de ses engagements en matière de droits humains. Après les instances nationales et européennes, il tire à son tour la sonnette d’alarme sur la surpopulation carcérale et l’indignité des conditions de détention dans les prisons françaises. Des alertes que les autorités ne peuvent continuer d’ignorer.
Le 1er mai, la situation des droits humains en France était passée au crible dans le cadre de l’examen périodique universel, mécanisme du Conseil des droits de l’homme des Nations unies qui permet d’évaluer la manière dont chaque État membre respecte ses obligations internationales. Parmi les 355 recommandations formulées à cette occasion[1], douze incitent les autorités à prendre des mesures en urgence concernant les prisons françaises. Ainsi, la France est appelée à « mettre fin à la surpopulation carcérale, aux conditions de détention déplorables et aux violations des droits des détenus », « mettre pleinement en œuvre l’arrêt de janvier 2020 de la Cour européenne des droits de l’homme sur la surpopulation carcérale », ou encore « réduire sa population carcérale à un maximum de 100 % de sa capacité en mettant en place un mécanisme de régulation judiciaire légal qui s’applique à l’ensemble de la chaîne pénale et en proposant des alternatives à l’incarcération ». Si chaque recommandation reflète la position de l’État qui en est à l’origine, la récurrence de celles qui portent sur la prison leur confère une importante portée. Les autorités françaises doivent désormais y répondre et indiquer d’ici novembre 2023 les engagements qu’elles entendent prendre pour les mettre en œuvre.
Cette alerte onusienne intervient quelques jours après l’annonce d’un nouveau record historique du nombre de personnes détenues dans les prisons françaises[2]. Au 1er avril, la barre des 73 000 prisonniers a été atteinte, soit 8 000 de plus que deux ans auparavant. Parmi eux, près de 49 500 personnes sont enfermées dans les maisons d’arrêt, dont le taux moyen d’occupation dépasse les 142%. Plus de 2 000 sont contraintes de dormir sur un matelas posé à même le sol.
La semaine dernière, la Contrôleure générale dénonçait « l’inertie coupable » du gouvernement face à l’état des prisons[3]. En décembre dernier, c’était le Comité des ministres du Conseil de l’Europe qui, vivement préoccupé par l’aggravation de la situation, demandait l’adoption rapide d’une « stratégie globale et cohérente » pour réduire la surpopulation carcérale[4]. Il est urgent que les autorités françaises considèrent – enfin – les recommandations internationales, européennes et nationales qui se succèdent pour alerter sur la situation dramatique infligée à des dizaines de milliers de personnes détenues.
Car, face à cette crise, l’immobilisme gouvernemental est pour le moment total. Le plan d’action pour la Justice annoncé début janvier par le garde des Sceaux ne propose aucune nouvelle mesure et poursuit une politique de construction de places de prison vouée à l’impasse[5]. Ce n’est pas de davantage de prisons dont nous avons besoin, mais d’enfermer moins : il faut s’attaquer aux causes de la surpopulation, cesser la banalisation de l’usage de la prison dans notre système pénal et questionner le sens de l’enfermement. C’est la seule voie possible pour que les recommandations onusiennes ne restent pas lettre morte.
Contact presse : Sophie Larouzée-Deschamps · 07 60 49 19 96 – sophie.larouzeedeschamps@oip.org
[1] Rapport provisoire du groupe de travail sur la France publié le 19 mai 2023.
[2] OIP-SF, « Plus de 73 000 personnes détenues : arrêtons les frais », Communiqué de presse, 28 avril 2023.
[3] CGLPL, Rapport d’activité 2022, 11 mai 2023.
[4] OIP-SF, « Surpopulation carcérale : le Conseil de l’Europe accentue la pression sur la France », Communique de presse, 9 décembre 2022.
[5] OIP-SF, « Plan d’action pour la justice : les non-annonces du garde des Sceaux sur les prisons », Communiqué de presse, 5 janvier 2023.