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Plan d’action pour la justice : les non-annonces du garde des Sceaux sur les prisons

Le 5 janvier, le garde des Sceaux a présenté un plan d’action pour la justice, dernière étape des États généraux pour la justice initiés par le gouvernement en octobre 2021. Un exercice présenté comme « inédit », qui ne propose cependant rien de nouveau pour réduire la surpopulation carcérale, malgré la grave crise pénitentiaire que rencontre actuellement le pays.

Alors que la France vient de battre pour le deuxième mois consécutif son record historique du nombre de personnes détenues, on aurait pu attendre que la lutte contre la surpopulation carcérale soit au cœur du plan d’action pour la justice annoncé par le garde des Sceaux. Ce n’est pas le cas.

Ce plan s’inscrit pourtant dans la suite des États généraux de la justice, qui s’étaient fixé comme objectif en matière pénitentiaire de « déterminer les nouveaux leviers à utiliser dans la lutte contre la surpopulation ». Mais les quelques mesures annoncées par le garde des Sceaux concernant les prisons n’ont en fait rien de nouveau. Et surtout, elles sont vouées à l’échec, quand elles ne viennent pas aggraver la situation.

Ainsi, monsieur Dupond-Moretti a rappelé l’« ambitieux » programme de construction de nouvelles places de prison du gouvernement, en précisant son calendrier de mise en œuvre. L’expérience a pourtant montré que l’extension du parc carcéral, présentée comme la principale réponse à la surpopulation, ne parvient pas à l’endiguer. Depuis 1990, plus de 25 000 places de prison ont été créées et le nombre de prisonnier a augmenté dans les mêmes proportions, confirmant l’adage selon lequel « plus on construit, plus on remplit ». L’ineffectivité de cette politique est d’autant plus inquiétante qu’elle est extrêmement coûteuse : 681 millions d’euros sont prévus pour la seule année 2023, soit plus de cinq fois le budget consacré à la réinsertion et à la prévention de la récidive.

Le garde des Sceaux mise par ailleurs, pour diminuer la pression carcérale, sur l’entrée en vigueur depuis janvier 2023 des dispositions visant à développer le recours à la libération sous contrainte, votées en décembre 2021. Certes, une baisse de 6 000 détenus est anticipée, mais elle ne suffira pas à compenser la forte augmentation du nombre de prisonniers que risque d’entraîner la réforme du système des réductions de peine entrée en vigueur au même moment : 10 000 selon les projections de l’étude de l’impact de la loi[1].

Le ministre rappelle en outre sa volonté de renforcer les alternatives à l’emprisonnement et notamment le travail d’intérêt général (TIG), et annonce une circulaire visant à en promouvoir l’application. Une mesure qui semble s’imposer au vu du faible nombre de TIG prononcés par les tribunaux[2], mais qui reste néanmoins marginale : seule une politique volontariste mettant les mesures non carcérales au cœur de la réponse pénale pourrait permettre leur essor. À défaut, elles continueront à venir s’ajouter aux incarcérations plutôt que de s’y substituer, contribuant – comme c’est le cas actuellement – à accroître le filet pénal. Cela nécessiterait de surcroît de revoir les moyens qui leur sont alloués : 53 millions d’euros seulement sont prévus au budget 2023 pour les alternatives à l’emprisonnement et les aménagements de peines.

Enfin, la mise en place d’un mécanisme de régulation carcérale recommandée par les États généraux de la justice ne fait pas partie des propositions retenues par le gouvernement. Certes, leur préconisation était peu ambitieuse : elle se bornait à la mise en place d’une instance de concertation des acteurs de la chaîne pénale dès lors qu’un taux d’occupation jugé « critique » aurait été atteint dans un établissement pénitentiaire, sans en attendre de résultat effectif. Mais plutôt que d’y renoncer, le gouvernement aurait pu s’engager en faveur d’un mécanisme contraignant, avec l’interdiction légale de dépasser 100% d’occupation dans chaque prison et quartier la composant. Un tel mécanisme est aujourd’hui appelé de leurs vœux par de nombreux acteurs institutionnels.

En définitive, seules deux propositions nouvelles ont été annoncées par le garde des Sceaux. La première concerne la décision de confier à l’Inspection générale de la justice (IGJ) une mission d’évaluation du « bloc peine » de la loi de programmation pour la justice. Recommandée par les États généraux de la justice, cette évaluation est en effet nécessaire au vu de l’échec de la loi à diminuer fortement le recours aux courtes peines de prison. L’IGJ ne rendant compte qu’au garde des Sceaux, il reviendra à ce dernier de rendre public ses travaux : il n’aurait en effet pas de sens que les constats issus de cette évaluation ne soient pas partagés. La seconde concerne la généralisation de l’usage des caméras individuelles par les personnels de surveillance de l’administration pénitentiaire. Cette mesure, qui n’était pas proposée ni même évoquée par le comité des États généraux de la justice, était en fait déjà dans les tiroirs du ministère. Une expérimentation des caméras piétons est menée dans certaines prisons depuis octobre 2020 : de maigres enseignements en ont été tirés dans un rapport extrêmement sommaire, dont il est difficile de conclure qu’ils militent en faveur de sa généralisation[3].

Ces annonces sont en total décalage avec la gravité de la situation, alors que la surpopulation carcérale, l’indignité et l’inhumanité des conditions de détention sont sans cesse pointées du doigt. Trois ans après la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’Homme pour l’état de ses prisons, le Conseil de l’Europe rappelait, le 8 décembre dernier, sa préoccupation face à l’aggravation de la situation et demandait l’adoption rapide d’une « stratégie globale et cohérente » pour réduire la surpopulation carcérale. On en est loin !


[1] Lire : « Projet de loi « Confiance dans la justice » : derrière une réforme timide, des logiques dangereuses », Dedans Dehors n°111, juin 2021.

[2] « Effondrement inattendu des peines de travail d’intérêt général », Le monde, 8 août 2022

[3] Direction de l’administration pénitentiaire : « Rapport au Parlement relatif aux conditions d’expérimentation de l’usage des caméras individuelles par les personnels de surveillance de l’administration pénitentiaires dans le cadre de leurs missions – Résultats de l’expérimentation conduite depuis octobre 2020 – Août 2021 »

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