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Surveillance des détenus lors des consultations à l’hôpital : le Conseil d’Etat examine la légalité de la réglementation pénitentiaire

Le Conseil d'Etat examinera en audience publique mercredi 12 septembre, à 14 heures, la légalité de la circulaire du 18 novembre 2004 relative à l’organisation des escortes pénitentiaires des détenus faisant l’objet d’une consultation médicale, à la requête d'un détenu du centre pénitentiaire de Laon. En dépit des critiques formulées par diverses instances de protection des droits de l'homme et le Comité d'Ethique, le commissaire du gouvernement de la juridiction a fait savoir qu'il conclurait au rejet de la requête, s'inscrivant ainsi dans la ligne des décisions antérieures du Conseil d'Etat.

Le texte attaqué détermine les mesures de sécurité mises en oeuvre par les personnels pénitentiaires à l’égard des détenus extraits pour une consultation dans un hôpital extérieur, qui sont définies selon trois « niveaux de surveillance ». Les niveaux 2 et 3 permettent au directeur de l’établissement pénitentiaire de décider seul, non seulement le maintien des menottes et des entraves, mais aussi la présence des surveillants pendant l’examen et l’entretien médical. Seules les femmes qui accouchent sont dispensées de ces mesures de surveillance.

Le Comité de prévention contre la torture du Conseil de l’Europe (CPT) a d’ores et déjà demandé aux autorités françaises « d’amender » ces instructions, considérant que « tous les examens/consultations/soins médicaux de détenus doivent toujours s’effectuer hors de l’écoute et – sauf demande contraire du médecin concerné dans un cas particulier – hors de la vue du personnel d’escorte » et qu’ « examiner des détenus soumis à des moyens de contrainte est une pratique hautement contestable tant du point de vue de l’éthique que du point de vue clinique et elle n’est pas de nature à créer une relation de confiance appropriée entre le médecin et le patient. » (CPT/Inf (2005)21). A sa suite, la Commission nationale consultative des droits de l’homme a affirmé le 6 janvier 2006, « qu’il ne saurait être dérogé au principe du respect du secret médical. Elle considère que l’acte médical doit être pratiqué à l’abri du regard et de toute écoute extérieure. A ce titre, elle ne peut que désapprouver les conditions dans lesquelles s’effectuent les consultations de détenus sous surveillance constante à l’hôpital de ville. Elle recommande au Gouvernement de donner une suite favorable aux recommandations du CPT. »

Le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe a, de son côté, affirmé dans son rapport du 15 février 2006 : « Les dispositions introduites par cette circulaire nuisent aux droits de la personne : le secret médical n’est pas respecté ; le port d’entraves et de menottes rajoutent à la souffrance et à l’inconfort et peut ainsi constituer une humiliation et un traitement inhumain et dégradant. Je m’étonne de la teneur de cette circulaire alors même que la France a été condamnée à deux reprises en 2002 et 2003 par la Cour européenne des droits de l’homme pour utilisation abusive de menottes et d’entraves lors du transport à l’hôpital. De plus, les chiffres relatifs aux évasions en 2004 ne peuvent en rien motiver l’imposition de telles mesures : même si 4 évasions ont eu lieu au cours d’une extraction médicale cette même année, cela ne représente qu’un pourcentage infime par rapport aux 55 000 escortes réalisées tous les ans. Dès lors, j’appelle les autorités françaises à prendre urgemment toutes les mesures nécessaires pour que le transfert des détenus pour raison médicale et leur hospitalisation se passent dans des conditions dignes, qui respectent leurs droits et prennent en considération leur état. Cela suppose la modification sans délais de la circulaire du 18 novembre 2004. » (CommDH(2006)2).

Dans un avis du 13 décembre 2006 relatif à la santé et à la médecine en prison, le Comité consultatif national d’éthique a, à son tour, vivement critiqué le dispositif prévu dans la circulaire. Il relève que « ces deux dernières années, le recours au menottage pendant les consultations médicales et l’hospitalisation n’a cessé de s’intensifier » , puisqu’il résulte des trois niveaux de sécurité définis par la circulaire « une application quasi-systématique du menottage pendant la consultation ou l’examen médical ». Or, selon lui, « ces pratiques constituent incontestablement une humiliation et un traitement inhumain et dégradant, mettent en péril la relation de confiance entre le médecin et le malade, élément essentiel de l’acte médical, et peuvent porter atteinte à la qualité de l’examen médical et des soins ». En outre, estime le Comité, « la surveillance continue et rapprochée par le personnel pénitentiaire durant la consultation médicale pose par ailleurs le problème éthique grave de la préservation du secret médical, affirmé comme un principe essentiel du soin par le Code de la Santé publique, et par le Code de déontologie médicale ».

Ces prises de positions très fermes n’ont pas convaincu le commissaire du gouvernement, magistrat indépendant chargé d’exposer son appréciation sur les règles de droits applicables et de proposer une solution au litige. Celui-ci a fait savoir au requérant qu’il ne s’écarterait pas de la position adoptée jusqu’ici par le Conseil d’Etat et conclurait au rejet de sa demande. La haute juridiction a déjà eu, en effet, à se prononcer sur la légalité de cette circulaire, à la requête de l’OIP. Sur la foi d’affirmations erronées du ministère de la Justice, le juge des référés avait, le 18 janvier 2005, rejeté la demande considérant que « l’administration pénitentiaire veillait au respect de la confidentialité [des soins] par des dispositifs appropriés » dans les locaux de consultation. Statuant au fond, et alors que l’OIP avait réuni des attestations de médecins et de directeur d’hôpital démentant les indications données par la Chancellerie, le Conseil d’Etat avait conclu, le 30 mars 2005, à la légalité de la circulaire, affirmant toutefois que « les mesures de sécurité mises en oeuvre par l’administration pénitentiaire lors de l’extraction et du séjour dans un établissement hospitalier d’un détenu doivent, d’une part, être adaptées et proportionnées à la dangerosité du détenu et au risque d’évasion que présente chaque cas particulier et, d’autre part, assurer en toute hypothèse, la confidentialité des relations entre les détenus et les médecins qu’ils consultent ».

Il se confirme aujourd’hui au travers des rapports d’activité des services médicaux des établissements pénitentiaires que la mise en oeuvre de la circulaire entraîne quotidiennement la violation des principes éthiques fondamentaux et des refus de consultation hospitalière de la part des détenus concernés, rendant ainsi d’autant plus nécessaire l’annulation de ce texte par le juge administratif.

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