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Traitements inhumains et dégradants à la prison de Nouméa : l’OIP saisit la justice

L’OIP a saisi ce 17 février le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de la situation alarmante au centre pénitentiaire de Nouméa. Alors que la France vient d’être condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), le juge saura-t-il prendre acte de cette décision et offrir aux personnes détenues les moyens de recours imposés par la Cour pour faire cesser cette situation ?

Saisi par l’OIP d’une requête en référé-liberté ce lundi 17 février, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie aura à se prononcer sur les conditions de détention au centre pénitentiaire de Nouméa. Avec une densité carcérale qui s’élevait au 1er janvier 2020 à 122,4% au quartier maison d’arrêt et 135,8% au centre de détention, le centre pénitentiaire calédonien est connu pour ses conditions de détention particulièrement éprouvantes. Surpopulation, promiscuité, locaux vétustes et sales, situation sanitaire désastreuse, insuffisance des activités socio-culturelles et d’activités professionnelles rémunérées proposées aux personnes détenues sont dénoncés depuis des années. En novembre dernier, le CGLPL publiait, pour la deuxième fois en moins de dix ans, des recommandations en urgence[1] décrivant une situation particulièrement alarmante : dans certains quartiers de cet établissement, les détenus vivent dans des containers maritimes subdivisés en cellules, aux murs métalliques « poussiéreux, sombres, difficiles à repeindre, couverts désormais de tags ». Dans ces blocs, « l’aération est insuffisante et la ventilation impossible ; la température est insupportable au plus fort de l’été. Chaque cellule dispose d’un minuscule lavabo sans bonde, inutilisable pour laver du linge alors que les personnes détenues n’ont accès ni à un lave-linge ni à un service de buanderie ». Ces cellules ne comportent par ailleurs ni rangements, ni toilettes cloisonnées. « Les installations électriques des deux centres de détention sont dangereuses », et les cellules ne disposant donc pas de réfrigérateur, aucune denrée périssable ne peut être conservée. Elles sont souvent traversées par des cordes utilisées pour étendre le linge et encombrées par des matelas posés à même le sol pour accueillir les occupants en surnombre.

Ces containers ont été mis en place à la suite d’une première alerte du CGLPL, qui avait déjà publié des recommandations en urgence en 2011 : vendus comme solution provisoire en attendant la construction sans cesse repoussée d’un bâti durable, des centaines de détenus y vivent encore huit ans plus tard. Dans son rapport de 2019, la CGLPL note justement que « les recommandations en urgence de 2011 ont été suivies de mesures insuffisantes ou inadaptées et que, parallèlement, des locaux et fonctions qui n’avaient pas fait l’objet de recommandations en 2011 se sont fortement dégradés. La combinaison de ces évolutions place aujourd’hui l’établissement dans une situation qui viole gravement les droits fondamentaux des personnes détenues (…) ». La CGLP relève par ailleurs qu’une pareille situation « ne saurait sans doute être tolérée dans aucun établissement de métropole »…

Ce recours intervient alors que la France vient d’être condamnée par le Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) dans un récent arrêt[2] concernant trente-deux affaires portées devant elle par des personnes détenues qui dénonçaient leurs conditions de détention dans six prisons françaises. Dans cette affaire, la CEDH a condamné la France pour traitements inhumains et dégradants mais elle a aussi sanctionné l’absence de voie de recours internes. Constatant la « portée limitée » du pouvoir d’injonction du juge administratif, elle a en effet considéré que les recours offerts aux personnes détenues ne permettaient pas de « faire cesser pleinement et immédiatement des atteintes graves aux droits fondamentaux » et appelé à la mise en place d’un recours préventif effectif. Il revient désormais au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de prendre acte de cette décision et d’ordonner des mesures qui permettront de mettre un terme effectif et durable aux graves violations des droits fondamentaux auxquelles sont exposées les personnes détenues au centre pénitentiaire de Nouméa.

Contact presse : Pauline De Smet · 01 44 52 88 00 · 07 60 49 19 96

[1] CGLPL, Recommandations en urgence relatives au centre pénitentiaire de Nouméa, 19 novembre 2019.
[2] Arrêt J.M.B. et autres c. France, 30 janvier 2020.