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Tribunal administratif de Lille : annulation d’une mesure d’isolement sur fond de pressions contre l’OIP

Par un jugement du 7 mai 2010, notifié ce jour, le Tribunal administratif de Lille a annulé pour inexistence matérielle des faits la mesure d'isolement qui avait été prise en juillet 2007 à l'encontre de X.V., alors détenu au centre pénitentiaire de Longuenesse (62).

La mesure, qui était justifiée officiellement par l’ « implication dans des préparatifs de mouvements collectifs » de l’intéressé au sein de la maison d’arrêt de Lille-Sequedin (59), où il était précédemment détenu, avait été prise le 3 juillet 2007 par le directeur du centre pénitentiaire de Longuenesse. Le requérant avait été transféré le 29 juin et placé préventivement à l’isolement, après qu’il se soit plaint, dans des correspondances échangées avec des journaux de détenus, du climat dans la prison, et fait état de brimades subies par certains détenus. X.V. aura passé près de deux mois et demi à l’isolement.

Quelques jours avant la décision de placement à l’isolement, l’OIP avait par ailleurs dénoncé les obstacles rencontrés par X.V. dans ses études universitaires du fait de dysfonctionnements administratifs. Les policiers de la sûreté urbaine de Lille s’étaient en outre servis du cadre d’une procédure pour diffamation visant un collectif anonyme pour entendre deux membres de l’OIP. Ceux-ci avaient été questionnés sur les contacts entretenus par l’association avec X.V. et les relations de l’Observatoire avec la presse, notamment une journaliste de Libération. Une seconde convocation avait été annulée, consécutivement à l’intervention du Médiateur de la République et de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, qui s’était interrogée « sur la nature et la portée de ces auditions [semblant] participer d’une intimidation incompatible avec les principes garantis par les instruments internationaux des droits de l’homme ». Le Commissaire européen aux droits de l’homme avait réclamé des éclaircissements à la Représentation permanente de la France auprès du Conseil de l’Europe sur ces interrogatoires.

L’administration n’a pas été en mesure d’étayer devant le Tribunal administratif les accusations portées contre X.V pour justifier la mesure d’isolement. Celle-ci avait du reste été levée après deux mois et demi. Le Tribunal a logiquement considéré que « si le garde des sceaux, ministre de la Justice soutient que des informations concordantes laissant supposer que l’intéressé était l’instigateur d’un mouvement collectif, il n’apporte aucun élément de nature à établir la réalité de ses affirmations » et que les faits antérieurs, invoqués par l’administration, « ne révèlent pas le comportement incriminé à la date de la décision attaquée » et que les pièces du dossier n’établissaient pas « le comportement en détention du requérant ait porté atteinte au bon ordre de la détention ou à la sécurité de l’établissement ».

L’OIP rappelle

La Cour européenne des droits de l’homme considère que « La liberté d’expression constitue un des fondements essentiels à la société démocratique » et que la protection dont elle fait l’objet « s’applique non seulement à « l’information » ou aux « idées » qui sont favorablement vues ou jugées inoffensives ou indifférentes, mais aussi à ceux qui offensent, choquent ou dérangent. Telles sont les demandes de pluralisme, tolérance et ouverture d’esprit sans quoi il n’y aurait pas de société démocratique . (…) Dans une société démocratique, les individus ont droit de commenter et de critiquer l’administration de la justice et les agents du service. Les limites d’une critique acceptable concernant les fonctionnaires peuvent dans certaines circonstances s’étendre au-delà de celles concernant les personnes privées » (arrêt Yankov c/Bulgarie du 11 décembre 2003).