A la suite de l’attaque meurtrière survenue au péage d’Incarville lors du transfert d’une personne détenue, un mouvement de blocage des prisons a été entamé le 14 mai par le personnel pénitentiaire. Si l’OIP ne peut que déplorer cet événement dramatique et partager l’émotion qu’il suscite, l’association rappelle que ce blocage entraine une dégradation notable des conditions de détention et des atteintes aux droits les plus fondamentaux de l’ensemble des personnes détenues, dans un contexte déjà alarmant.
Depuis mardi 14 mai, le blocage de la plupart des établissements pénitentiaires a conduit de nombreuses personnes détenues à contacter l’Observatoire international des prisons (OIP). Elles témoignent de leur détresse et de leur vulnérabilité face à ce qui s’apparente à une punition collective pour un crime dont elles ne portent nullement la responsabilité.
L’enfermement total en cellule est la première conséquence du blocage. « Ça fait 48h qu’on est confinés dans nos cellules 24h/24 », alertait le 16 mai Monsieur X au centre pénitentiaire d’Aix-Luynes. Si certains établissements ont maintenu la promenade quotidienne, d’autres l’ont supprimée. C’est ce qu’indiquent des personnes détenues aux centres pénitentiaires de Metz, Condé-sur-Sarthe, Marseille-les Baumettes, Valence, Bourg-en-Bresse et Longuenesse. « En plus, ils ne ramassent pas les poubelles, ça s’accumule dans les cellules », déclarait le 16 mai une personne incarcérée à Condé-sur-Sarthe. Des quartiers en régime ouvert se transforment de fait en quartiers fermés : « Ma porte reste fermée, je n’ai même pas accès à la cour de promenade, alors que je suis en régime ouvert », confie une personne incarcérée au centre pénitentiaire de Bourg-en-Bresse.
Activités suspendues, parloirs annulés, y compris avec les avocats : les personnes détenues se retrouvent coupées de presque tout contact extérieur et, pour celles qui partagent leur cellule, dans une situation de promiscuité encore accrue dans un espace réduit.
La distribution des courriers étant elle aussi entravée, il ne reste souvent que le téléphone pour maintenir un lien avec l’extérieur. Encore faut-il en avoir les moyens étant donné son prix exorbitant entre les murs, et que la cabine fonctionne : « Ils ne veulent pas la faire réparer car c’est la seule cabine en panne en ce moment, donc ça coûterait trop cher de faire déplacer un réparateur », déplore la compagne d’une personne incarcérée.
Les atteintes aux droits les plus fondamentaux sont poussées à leur paroxysme. À Saint-Quentin-Fallavier, les personnes détenues n’ont plus accès à la douche depuis quatre jours. Dans certains établissements, les repas ne sont plus distribués. « Il est 14h30, on n’a pas eu de repas ce midi. Depuis ma cellule, je vois les camions des prestataires arriver et faire demi-tour : ils sont refoulés à l’entrée », décrit une personne incarcérée à la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis le 15 mai. Or, les cantines, qui permettent à celles et ceux qui en ont les moyens d’acheter des denrées, étant également bloquées, certaines personnes n’ont plus de quoi s’alimenter.
Outre les conséquences sur le quotidien en détention, cette situation crée des risques graves pour la santé des personnes. Aux Baumettes, une personne détenue n’a pas reçu sa dose d’insuline. Une autre alerte : « Je n’ai pas mon traitement pour le cœur depuis deux jours, j’ai peur de mourir. » Au centre de détention de Salon-de-Provence où, comme ailleurs, les extractions sont annulées, une personne détenue n’a pu se rendre à l’hôpital pour l’examen qui devait confirmer ou infirmer un diagnostic de cancer.
Tout ceci se déroule dans un climat de tension qui semble s’intensifier : « On ne sait plus quoi faire. Si on se rebelle, ça se retourne contre nous. Personne ne nous écoute, ne nous entend. S’il vous plaît, ne nous laissez pas tout seuls ! », implorait une personne incarcérée au centre pénitentiaire de Metz. Certains perçoivent un esprit de vengeance de la part d’agents : « On les appelle, ils rient derrière la porte et nous lancent : “C’est comme ça, vous patientez.” »
Au vu de l’ensemble des conséquences dramatiques sur les droits des personnes incarcérées, l’Observatoire international des prisons (OIP) appelle à la fin immédiate des blocages. Il rappelle qu’il y a tout juste un mois, la Cour européenne des droits de l’homme condamnait une nouvelle fois la France pour les traitements inhumains et dégradants subis par deux personnes détenues au centre pénitentiaire d’Alençon-Condé-sur-Sarthe en raison de multiples violations de leurs droits durant une grève du personnel pénitentiaire lancée en réaction à l’agression de deux agents (Leroy c. France).
L’OIP ne peut enfin qu’alerter sur les effets désastreux qu’auraient des promesses gouvernementales de surenchère sécuritaire faites en l’absence de toute réflexion collective et dans une temporalité dictée par l’urgence de l’émotion.
Contact presse : Jean-Claude Mas · 07 60 49 19 96 · jean-claude.mas@oip.org