D’interdits vestimentaires absurdes en discriminations caractérisées, les détenues de confession musulmane sont les victimes collatérales d’une véritable « chasse aux sorcières » menée au nom de la lutte contre la radicalisation. L’une d’elles témoigne.
Je me permets de vous contacter afin d’attirer votre attention sur une grave injustice. Depuis mon arrivée dans ce centre pénitentiaire, j’ai pu constater que les détenues de confession musulmane étaient les victimes d’un acharnement régulier et injustifié. Un acharnement qui consiste à prendre des mesures arbitraires et scandaleuses. Un acharnement qui, orchestré par le personnel de cet établissement dans son intégralité, du personnel de surveillance à la direction, est honteux et scandaleux. Permettez-moi de vous en donner quelques exemples concrets.
Boubou vs. djellaba
Il y a quelques semaines, une note à l’attention des détenues a été rédigée par le chef d’établissement : le port de la djellaba, désormais interdit en coursives, n’était autorisé qu’en cellule. Je me permets de souligner le caractère absurde et illogique de cette décision, la djellaba n’étant pas une tenue religieuse mais une tenue traditionnelle. Les femmes originaires d’Afrique sub-saharienne ont, elles, le droit de porter leurs robes boubou. Mais lorsque nous souhaitons enfiler une tenue légère et confortable pour être dans les coursives, nous, nous n’en avons pas le droit.
De la serviette de douche au voile
Le week-end dernier, en sortant de la douche, j’ai cru pouvoir nouer ma serviette autour de mes cheveux mouillés ; j’ai été réprimandée par la surveillante qui m’a dit qu’il n’était pas autorisé de porter sa serviette sur la tête en détention. J’ai trouvé la remarque étrange dans la mesure où toutes les détenues le font sans aucun problème, mais n’ai pas réagi.
Le lendemain, lors d’une rencontre avec le gradé de secteur qui devait me faire signer un document, celui-ci me demande pourquoi j’avais rencontré un problème avec sa collègue la veille. Surprise, je lui dis qu’il doit se tromper de détenue. « Non, il s’agissait de vous, vous promenant dans la coursive avec un truc sur la tête, un voile, non ? » Une preuve de plus de cet abominable acharnement qui ne vise que les musulmans. La vérité est déformée, la méfiance est omniprésente.
Paranoïa et discrimination
Je vous fais part d’un troisième et dernier exemple très significatif et qui révèle beaucoup de l’atmosphère qui règne actuellement au sein du système carcéral dans son ensemble. J’ai assisté dernièrement, avec un petit groupe de six personnes, à la célébration de l’office religieux auprès de l’imam de la prison. A l’issue de cette célébration, ce monsieur a proposé de nous fournir certains objets permettant la pratique de la prière en cellule : des tapis, des livres et des petites cagoules qui permettent de cacher nos cheveux lorsque nous prions.
Le lendemain, la surveillante m’a demandé ce que j’avais obtenu de l’imam ; je lui réponds donc que j’ai pris une de ces petites cagoules. Elle l’examine et revient quelques minutes après, accompagnée d’un lieutenant qui me repose les mêmes questions et me demande le nom des autres détenues présentes à cette célébration et ce qu’elles ont pu prendre. Elle me dit que cette cagoule n’est pas autorisée, « pour raison de sécurité ». Le lendemain, le gradé de secteur justifie cette discrimination par une note dans le règlement intérieur. Cette note n’existe pas : rien ne stipule que nous n’avons pas le droit de porter cet objet indispensable à l’exercice de notre culte en cellule.
La vérité est déformée, la méfiance est omniprésente.
Nous ne nous adonnons à aucun prosélytisme, nous pratiquons notre foi de manière discrète et privée. Ils s’attaquent à nos droits fondamentaux en bafouant notre droit à l’exercice de notre culte. Il s’agit de mesures arbitraires qui témoignent de l’indiscutable volonté de nuire aux détenues de confession musulmane, de discréditer notre foi et notre religion. « Au nom de la lutte contre la radicalisation », le système carcéral s’adonne à une véritable chasse aux sorcières contre les musulmans, les insulte et les opprime.
Il est pourtant important pour la santé de notre démocratie de ne pas sombrer dans la paranoïa, la stigmatisation et la discrimination…