Monsieur B. a passé un bac technologique en prison, un choix par défaut. Il raconte son parcours et évoque les principales difficultés qu’il a rencontrées : « le manque de documents » et « le temps que prend chaque démarche ».
« Avant mon entrée en prison, mon niveau scolaire était assez faible. J’avais réussi à valider un BEPA [brevet d’études professionnelles agricoles] Services à la personne, mais à part cela, j’étais en échec scolaire, sans motivation. J’étais allé jusqu’à une première année de BTA [brevet de technicien agricole] (1re professionnelle), avant de jeter l’éponge.
Lors de mon incarcération, je me suis retrouvé au quartier d’isolement (QI). Après un an de dépression complète, je me suis lancé dans une remise à niveau par correspondance avec Auxilia – c’était la seule voie possible au QI. J’ai donc commencé des cours de français, de mathématiques et d’anglais, puis de comptabilité. Je me suis fixé comme premier objectif de passer un BEP secrétariat et comptabilité, et je voulais aussi atteindre un bon niveau en anglais. Je n’avais cependant pas prévu de passer mon diplôme avant mon jugement. De toute façon, je ne sais pas si j’aurais pu le passer dans ces conditions.
Après mon passage au Centre national d’évaluation*, je me suis retrouvé en maison centrale, avec pour seule et unique proposition de formation un diplôme de tailleur de pierre – très loin du secrétariat et de ce que je voulais faire. On m’a expliqué qu’aucun BEP n’était proposé ici, et on m’a encouragé à passer un bac STMG [sciences et technologies du management et de la gestion]. Cela correspondait mieux à mon profil, mais il me fallait reprendre tout le programme de lycée car je me suis rendu compte que je n’avais pas les bases. J’ai donc essayé de rattraper toutes les matières de seconde, première et terminale et aussi d’en apprendre de nouvelles comme le management, le marketing, l’économie, le droit. J’étais le seul à passer le bac cette année-là. Les professeurs m’ont apporté un soutien important. Encouragé par ces derniers, ainsi que par ma famille, mes amis et l’administration pénitentiaire, et avec beaucoup de travail personnel, j’ai finalement décroché mon bac avec la mention bien.
Passer un diplôme en prison est un véritable défi. Il faut beaucoup d’autodiscipline. La principale difficulté est le manque de documents, d’informations, et le temps que prend chaque démarche. S’il vous manque un livre, le temps de faire la demande écrite auprès des professeurs, que cette demande soit traitée et que l’on vous porte le livre demandé – et à condition que ce soit le bon ! –, votre examen est déjà passé. Par exemple pour mon épreuve d’histoire-géographie, j’ai eu les livres du programme de terminal la veille de l’épreuve. Pour mon dossier de marketing (le plus gros coefficient pour moi), j’ai dû réaliser un travail prévu pour un groupe de quatre personnes tout seul, sans informations. J’avais décidé de travailler sur un cinéma de la région, je devais faire un questionnaire destiné aux clients du cinéma et au directeur. Mais je ne pouvais pas être en contact avec lui par téléphone ou mail et je ne pouvais pas démarcher les clients dans la rue. J’ai fait un dossier approximatif, j’ai eu énormément d’aide de mes professeurs mais le handicap était bien présent. La démotivation peut venir très rapidement, car il y a une énorme frustration à ne pas pouvoir effectuer le travail demandé en respectant le cadre et les délais imposés.
L’éducation au sens large, la formation, l’apprentissage, la culture sont d’une importance capitale pour assurer un futur aux détenus et éviter que ces derniers ne se laissent aller avec les années de détention. Étudier permet de tirer profit de ce temps. Mais il faut une grande motivation, une grande rigueur, une discipline personnelle et aussi beaucoup de soutien pour tenir le cap. »
* Où, après une période d’au moins six semaines d’observation et d’évaluation, l’affectation dans un établissement pour peine « adapté à la personnalité » du détenu sera décidée.