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« Mon conjoint était grièvement brûlé, et personne ne m’avait prévenue »

Le 13 août, le compagnon de madame H., incarcéré à la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis, met le feu à sa cellule à la suite d’un incident au parloir. Après avoir reçu des informations contradictoires de l’administration pénitentiaire, ce n’est finalement que dix jours plus tard qu’elle apprend qu’il est hospitalisé dans un service de grands brûlés. Elle raconte les circonstances du passage à l’acte de son compagnon, le mur auquel elle s’est heurtée lorsqu’elle a cherché à avoir des informations sur son état de santé et les obstacles qu’elle a dû franchir pour être autorisée à le voir.

Mon conjoint a été placé en détention provisoire en janvier 2021. Son jugement a eu lieu en mai. Il a été condamné à deux ans de prison, mais le procureur a fait appel et il a pris cinq ans. Ça a été dur pour lui, il ne pensait pas qu’on lui rajouterait autant. Sa détention, d’une manière générale, se passait très mal. Il ne sortait pas en promenade. Je sais qu’il avait fait des demandes pour rencontrer la psy et le médecin à la prison, il n’avait pas encore eu rendez-vous. Mais il n’était pas suicidaire.

Il n’y avait que moi qui venait lui rendre visite, deux fois par semaine. Je suis venue le voir au parloir le vendredi 13 août. Comme ses parents sont à l’étranger, il ne pouvait pas les contacter, alors je lui ai fait passer un téléphone portable. Il s’est fait fouiller à la sortie du parloir et ils ont retrouvé le téléphone. En conséquence, ils nous ont dit qu’ils allaient suspendre le permis de visite. Et vu qu’il y a eu un “contact” entre nous quand je lui ai donné le téléphone, ils l’ont mis à l’isolement “Covid”. D’après un autre détenu avec lequel j’ai été en lien, ils auraient refusé qu’il récupère des vêtements, des objets qui étaient dans sa cellule, avant de le mettre à l’isolement. Il s’était déjà fait voler des choses plusieurs fois dans sa cellule, ça a dû le faire monter en pression, et il a mis le feu. C’est arrivé peu après le parloir. Une personne détenue dans une cellule proche de la sienne m’a dit que les surveillants avaient été assez réactifs, mais c’était pendant la promenade de l’après-midi, et ils n’avaient pas les clés pour ouvrir la porte, il ont dû aller chercher le gradé. Il a été brûlé principalement au visage et au torse.

Mon conjoint avait déjà mis le feu à sa cellule – c’était en mai ou juin. Alors qu’il était au parloir avec moi, des détenus ont volé des choses dans sa cellule. Du coup, quand il est rentré du parloir, il s’est énervé, il voulait récupérer ses affaires. Il pensait savoir qui l’avait volé. Il l’a expliqué aux surveillants, mais ils n’ont rien voulu entendre. C’est là qu’il a incendié sa cellule. Il m’a dit qu’il avait mis un drap sur son visage pour ne pas inhaler les fumées. Il n’avait pas bloqué la porte pour que les surveillants puissent entrer, et il l’avait fait l’après-midi plutôt que le soir, quand il n’y a personne. Il a été brûlé aux bras et il a été mis au QD [quartier disciplinaire] tout de suite, sans voir de médecin. Il y est resté une semaine.

« Ils se renvoyaient sans cesse la balle »

Le 13 août, après le parloir, je suis rentrée chez moi. Il avait du crédit téléphonique, je me suis dit qu’il allait m’appeler. Je n’ai reçu aucun appel. J’ai attendu quelques jours, je lui ai envoyé des lettres. Le mardi 17, j’ai reçu un appel du directeur du Spip [service pénitentiaire d’insertion et de probation]. Il m’a dit qu’il fallait que je fasse une demande de suspension de peine, “vu l’état de votre conjoint”. Je lui demande ce qu’il se passe. Il me dit : “Vous n’êtes pas au courant ? On ne vous a pas prévenue ? Il est hospitalisé, c’est très grave.” Il n’a rien voulu me dire de plus, m’a demandé de voir avec la maison d’arrêt. J’ai essayé de contacter la maison d’arrêt, mais je n’ai eu personne. Je suis allée directement à Fleury. Les surveillants à l’entrée m’ont signifié qu’ils ne pouvaient pas me dire ce qui lui était arrivé, ni où il était. Ils m’ont dit de rappeler le Cpip [conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation]. Je l’ai fait, le soir, et je suis tombée sur une Cpip qui a regardé dans un logiciel, et qui m’a dit qu’il avait été hospitalisé vers 13h, et qu’il était rentré dans sa cellule à 19h. J’étais rassurée, j’attendais ses appels. J’ai envoyé des lettres tous les jours.

Lundi 23 août, le directeur du Spip m’a rappelée. Il m’a dit que la Cpip que j’avais eu au téléphone avait fait une erreur. Il m’a confirmé que mon conjoint était bien hospitalisé, et c’est là qu’il m’a parlé d’un feu de cellule. Il a ajouté qu’il ne pouvait pas me dire exactement où il était, que c’était à la maison d’arrêt de me donner ces informations. Mais lorsque j’appelais la maison d’arrêt, je tombais sur un surveillant qui me redirigeait vers le Spip : ils se renvoyaient sans cesse la balle. Alors j’ai appelé tous les hôpitaux du département. Et quand ils ne répondaient pas, j’y allais directement. Mais il n’était nulle part. J’ai ensuite appelé tous les hôpitaux de la région qui avaient un service des grands brûlés, mais personne ne pouvait me dire s’il était chez eux.

J’ai contacté l’OIP, qui a envoyé un fax à la maison d’arrêt pour demander qu’on me communique le lieu où il était hospitalisé et qu’on m’autorise à le voir. Le lendemain, j’avais à nouveau un permis de visite valide et le directeur du Spip m’a rappelée pour m’indiquer où il était et que je pouvais y aller tout de suite, avec ma carte d’identité, qu’il n’y avait pas de démarche particulière à faire. Mais lorsque je suis arrivée à l’hôpital, l’infirmière en chef m’a signifié qu’elle ne pouvait pas me donner d’information sur son état de santé parce qu’il était sous écrou. J’ai insisté, j’ai fini par être reçue en entretien par le médecin, qui m’a expliqué qu’il était maintenu dans un coma artificiel, et que son pronostic vital était engagé. Ensuite, il m’a laissé le voir, pour que je puisse me rendre compte de son état, en me précisant que c’était exceptionnel, et qu’à l’avenir il faudrait que j’aie tous les papiers, dont un permis de visite de la préfecture. J’ai pu rester une heure dans la chambre. À partir de là, impossible de joindre le directeur du Spip, les Cpip filtraient. Mercredi 25 août, j’ai fini par faire moi-même la demande à la préfecture pour le permis. Cinq jours plus tard, j’ai appelé pour connaître l’avancement de ma demande, ils m’ont répondu qu’ils ne pouvaient pas me donner de délai de traitement, qu’ils n’avaient jamais eu affaire à ce genre de situation et ne savaient pas comment la traiter. Ils ont ajouté que de toute façon, les visites ne seraient sans doute pas autorisées vu son état de santé, ce qui était faux. Après plusieurs relances de la préfecture par l’OIP, j’ai finalement reçu, le 1er septembre, un mail avec les permis de visite pour moi et pour ses parents. Dès qu’ils ont su, ils ont pris un billet d’avion pour venir en France. Quand sa mère est allée le voir, elle avait envie de regarder sous ses bandages, de voir son visage, de voir ses yeux, elle le touchait, elle a essayé de regarder ses blessures. Pour eux, c’est compliqué, ils ont du mal à réaliser, ils ne comprennent pas ce qu’il s’est passé. Moi, depuis, je vais le voir dès que je peux. Et quand je ne peux pas me déplacer, je peux appeler l’hôpital pour avoir de ses nouvelles par téléphone. »

recueilli par Philomène Debien

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