Cela fait plus de vingt ans que je fais de la prison, et je peux vous garantir qu’il y a deux choses qui font très peur aux détenus faisant du trafic de stupéfiants: ...
… ce sont les chiens lorsque la gendarmerie fait des contrôles surprise au parloir et les fouilles ERIS [Equipes régionales d’intervention et de sécurité], parce que là aussi, il y a des chiens spécialisés. Tout le reste ne fait nullement peur, parce qu’ils ont toujours en grande partie des mules pour le passage. La vraie question qu’il faut se poser est de savoir si l’administration veut vraiment supprimer les stupéfiants en détention, parce qu’il est évident qu’elle préfère que les détenus soient dans un état « calme » pour mieux pouvoir gérer la population pénale. Si aujourd’hui plus aucune drogue n’arrivait en prison, alors une grande majorité des détenus seraient survoltés et causeraient des mutineries et autres. Pour ce qui concerne les téléphones en prison… ne me dites pas que vous pensez vraiment qu’ils entrent par les parloirs ! Ce serait alors ne vraiment pas connaître les méthodes des prisons. Les 99 % des téléphones portables qui entrent en détention arrivent par le terrain de sport, toujours très proche d’un mur d’enceinte. Il est donc très facile de faire des « missiles » (envoi d’objets bien emballés) lorsque la personne est sur le terrain de sport et de les remonter sans crainte puisqu’il n’y a aucun portique de sécurité tout au long du parcours pour retourner en cellule. Les prix pratiqués dans les cabines téléphoniques sont vraiment du racket pur et simple. Si on veut rester en contact avec sa famille, cela coûte au minimum 40 € mensuels. 95 % de ceux qui ont un téléphone illicite en prison ne font que téléphoner à la famille longuement le soir ou à leur copine pour une somme beaucoup moins importante que par les cabines, puisqu’un abonnement en illimité le soir ne coûte que 24,90 €, et que pour avoir la même chose dans les cabines, il faudrait dépenser trois fois plus : on doit payer 2,25 € pour un appel local de 20 minutes, qui ne vaut que 0,30 € à l’extérieur.
Personne détenue, centre pénitentiaire, octobre 2012