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« Si on témoigne contre nos collègues, on est mort »

Olivier est surveillant pénitentiaire. Alors qu’il était en stage dans une maison d’arrêt du sud de la France, il y a quelques années, il a été témoin de violences commises par un collègue à l’encontre d’un détenu. De peur de représailles, il n’a pas osé dénoncer les faits à l’administration.

« Ce soir, je suis en vacances. Si t’as un souci aujourd’hui, tu m’appelles, j’ai envie de casser du détenu !” C’est ce que m’a lancé le surveillant T. un matin, au moment de l’appel. Je n’ai même pas été surpris par ces propos… ce sont des choses que j’avais déjà entendues. L’après-midi, lors de la mise en place des promenades, un détenu cognait à la porte de sa cellule avec insistance en espérant qu’un surveillant vienne. Lorsqu’on a ouvert sa porte, le détenu a indiqué que sa télévision ne fonctionnait pas. Il était d’origine étrangère, et ne maîtrisait pas bien le français. Le surveillant T. a refermé la porte de la cellule sans que le détenu ait pu comprendre qu’on repasserait après le départ des promenades. Donc il s’est remis à taper sur sa porte. L’agent a rouvert la cellule, et l’a poussé jusque sur son lit. Là, il lui a assené un coup de poing, puis un deuxième, vraiment sans raison. Le détenu, complètement apeuré, s’est recroquevillé sur lui-même. Le surveillant l’a tiré dans un autre coin de la cellule, lui a remis deux coups. Nous étions trois surveillants au moment de ces faits. Le surveillant T. a ensuite sonné l’alarme, les renforts et le gradé sont arrivés une fois la scène terminée. Eux n’ont rien vu et il n’y a pas de caméras de surveillance en cellule.

L’agent, qui s’était fait mal au genou lors de la maîtrise au sol, s’est entendu avec la surveillante qui étaient présente pour la rédaction des écrits. Le rapport d’incident était totalement mensonger, expliquant que le détenu avait poussé le surveillant dans la cellule, que ce dernier n’avait fait que se défendre et qu’il avait été blessé par le détenu… Celui-ci a été sanctionné et envoyé au mitard. Je n’ai pas osé parler, parce qu’il me restait trois semaines de stage. Ça allait vite se savoir, que j’avais balancé, et les semaines suivantes seraient horribles. Dès le deuxième jour, les surveillants m’avaient d’ailleurs prévenu : “Les élèves, ici, on les aime pas, ça balance tout à la direction.” Avec du recul je le regrette, j’aurais pu demander un changement d’établissement pour finir mon stage. Même si ça n’aurait peut-être pas suffit : la pénitentiaire, c’est un petit monde, on est assez vite au courant de ce qui se passe dans les autres prisons. Si on témoigne contre nos collègues, on est mort.

Mon stage s’est terminé. De retour à l’Enap (École nationale d’administration pénitentiaire), on a débriefé nos passages en établissement. La formatrice a compris qu’il y avait eu un problème et m’a demandé de rester à la fin du cours. Je lui ai raconté ce qu’il s’était passé. À ce moment-là, je ne me rendais pas compte que tout un engrenage se mettait en marche. Dans la soirée même, on m’a expliqué que, n’ayant pas parlé plus tôt, je risquais moi-même d’être exposé à des sanctions. Pour le moment, je n’en ai pas eues… D’après ce que j’ai compris, après que j’ai dénoncé les faits à l’Enap, la direction interrégionale et le procureur de la République ont été informés. Une enquête interne a aussi été lancée, et le détenu a appuyé mes propos. Il y a un an, j’ai appris que ce fameux surveillant avait déposé plainte contre moi pour diffamation… Depuis, je n’ai plus eu de nouvelles de cette histoire. »

Recueilli par Pauline Petitot

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