En prison, la « cantine » est l’unique moyen de procéder à des achats. Sorte de magasin interne à l’établissement pénitentiaire, elle permet aux personnes détenues qui disposent de ressources financières d’améliorer leur quotidien. Périodiquement (en général une fois par semaine), une liste des produits disponibles et des bons de cantines sont distribués à toutes les personnes incarcérées dans l’établissement, qui doivent alors le remplir pour passer commande. Si dans la majorité des prisons françaises ces bons sont gratuits, ces derniers sont facturés aux détenus des maisons d’arrêt du Puy-en-Velay et d’Aurillac – avec l’aval de la direction interrégionale. À Aurillac, comptez 5 centimes pour les bons relatifs au tabac, aux journaux ou encore aux produits frais, et 20 centimes pour un bon « épicerie ». La liasse complète, composée de neuf bons différents*, coûte 60 centimes – 50 au Puy-en-Velay.
Alors qu’un rapport dénonçait récemment l’extrême précarité qui caractérise la population carcérale en France** (lire pages 11 et 15), le coût de ces bons augmente insidieusement le prix déjà élevé de la vie en détention. Ces problèmes – bien qu’isolés – ne sont pas récents : l’OIP dénonçait déjà cette pratique à la maison d’arrêt de Chartres… en 1998. À cette époque, une liasse complète était facturée 1,90 francs – soit 0,15 euros.
La lutte contre le gaspillage du papier est la raison principale évoquée pour la mise en place de ce système : les bons réclamés et non remplis étaient auparavant jetés, ou utilisés à d’autres fins – de la correspondance au filtre à tabac. Des « détournements », qui, aussi fréquents soient-ils, n’en sont pas moins dictés par la précarité des personnes détenues. L’OIP reçoit ainsi fréquemment des lettres écrites au verso de bons de cantine ou de fiches repas, ainsi que des demandes d’envoi de papier à lettre blanc.
L’arrivée des bornes numériques, permettant notamment aux détenus de passer commande de manière dématérialisée, est annoncée comme une solution à ce problème. Développée dans le cadre du projet « Numérique en détention », leur déploiement reste cependant pour le moment au stade de l’expérimentation (lire page 24) et il s’en faudra de plusieurs années avant que l’intégralité des prisons n’en soient équipées.
par Charline Becker
* À Aurillac, différents bons sont proposés : tabac, bazar, épicerie, journaux, produits frais, fruits et légumes, pâtisseries, produits hallal, produits casher.
** Emmaüs-France, Secours catholique, Au dernier barreau de l’échelle sociale : la prison, octobre 2021.