Depuis plus de trente ans, la construction de nouvelles places de prison est présentée par le gouvernement français comme la principale réponse pour lutter contre la surpopulation carcérale et l’indignité des conditions de détention. C’est encore l’orientation majeure prise par le projet de loi actuellement discuté au Parlement. L’expérience montre pourtant à elle seule que c’est un échec : les condamnations pour conditions indignes de détention s’enchaînent et la surpopulation poursuit sa course folle.
Ce lundi 3 juillet, les députés de l’Assemblée nationale commencent à débattre du projet de loi de programmation du ministère de la Justice pour les années à venir (2023-2027). La principale orientation politique et budgétaire pour lutter contre la surpopulation carcérale est, encore et toujours, la construction de nouvelles places de prison.
En 2017, celui qui est aujourd’hui ministre de la Justice signait pourtant une tribune dénonçant « la construction de nouvelles prisons, pour tenter, dans une course folle et sans fin, d’absorber l’incarcération galopante »[1]. Un an plus tard, le président de la République lui-même critiquait cette logique : « Il en est sans doute qui pensent […] qu’il faut simplement continuer comme nous le faisons en augmentant constamment le nombre de places de prison. Cette vision-là existe mais elle fait d’un problème politique, social et moral un problème immobilier, ce qui est toujours commode mais ne le règle pas. » [2]
Cinq ans plus tard, l’échec de cette politique est patent. Les dernières données publiées il y a quelques jours parlent d’elles-mêmes : la surpopulation continue de grimper de manière affolante et le nombre de personnes détenues a atteint un nouveau record au 1er juin 2023. 73 699 personnes sont enfermées dans les prisons françaises. Parmi elles, 7 sur 10 s’entassent dans des maisons d’arrêt dont le taux d’occupation moyen frôle les 145%. Dans dix établissements, ce taux atteint ou dépasse 200%. A la prison de Majicavo, à Mayotte, c’est l’explosion, avec un taux qui frôle les 300%.
Dans un dossier presse publié ce jour, l’Observatoire international des prisons revient sur l’inefficacité de la politique de construction menée par le gouvernement depuis plusieurs décennies et sur ses effets contre-productifs. Il y rappelle que, pour lutter efficacement contre la surpopulation carcérale, il faut s’attaquer à sa cause principale : l’inflation du nombre de personnes détenues. Réduire le recours à l’incarcération n’est ni dangereux, ni illusoire : c’est la voie qu’ont pris la plupart de nos voisins européens. Cela nécessite de la volonté politique. A savoir, a minima, abandonner la politique de construction de nouvelles places de prison, réorienter le budget qui y est dédié à des fins de rénovation et d’insertion, et adopter un dispositif contraignant pour mettre un terme à la surpopulation. Le projet de loi actuellement discuté nous engagera jusqu’en 2027 : nous ne pouvons pas attendre plus longtemps !
Lire le dossier de presse : « Plus on construit, plus on enferme » : rompre le cercle vicieux
Contact presse : Sophie Larouzée-Deschamps · 07 60 49 19 96 · 01 44 52 88 00 · sophie.larouzeedeschamps@oip.org
[1] « Prétendre qu’il faudrait plus d’incarcération relève d’une imposture », Le Monde, 3 avril 2017.
[2] Discours d’Emmanuel Macron à l’École nationale d’administration pénitentiaire, Agen, 6 mars 2018.