Conventionnées par l’État pour accueillir des personnes placées sous main de justice, les associations qui encadrent les placements à l’extérieur s’engagent à rendre compte aux autorités de certains de leurs agissements. « D’un côté, on noue un lien de confiance avec les personnes qu’on accompagne, et de l’autre, on doit faire remonter les incidents au Spip [service pénitentiaire d’insertion et de probation] et au juge. Cette double casquette n’est pas du tout évidente à porter », souligne Marion Moulin, déléguée générale de l’association Possible et longtemps impliquée dans le développement des fermes d’insertion Emmaüs. Une ambiguïté que tous les professionnels reconnaissent, et qu’ils disent souvent gérer en étant clairs dès le départ et en restant dans leur rôle. « Quand j’en réfère au Spip, je le dis toujours aux personnes suivies. Mais c’est toujours un cas de conscience, c’est pourquoi la responsabilité est prise au niveau de la coordination ou de la direction », explique Justine Baranger, directrice Justice du Casp-Arapej en Île-de-France. « Être clair fait partie du respect que nous nous devons. Et l’expérience m’a fait évoluer, je considère désormais qu’en placement à l’extérieur, le contrôle fait partie intégrante du travail éducatif », assume quant à elle Nora Hannou, directrice adjointe du pôle socio-judiciaire d’Apremis dans la Somme.
Tout dépend souvent des relations établies avec les Spip et les magistrats. Lorsqu’elles sont confiantes et que tout le monde partage la même vision du placement, l’information circule d’autant plus facilement que les responsables associatifs ne craignent pas qu’elles débouchent sur des conséquences inappropriées. « Les Jap [juges de l’application des peines] ne prennent jamais de décision sans nous consulter, nous et le Spip », témoigne l’un d’eux. Mais à l’inverse, les obligations de surveillance des structures d’accueil et la gestion des incidents peuvent constituer des points de friction récurrents quand les partenaires se connaissent mal ou n’en ont pas la même vision. « Chaque structure négocie avec ses interlocuteurs judiciaires et pénitentiaires locaux, et certains, inquiets, peuvent avoir des demandes assez déraisonnables par rapport aux capacités de la structure ou au sens de la mesure », pointe Marion Moulin, qui donne l’exemple de velléités de faire interdire toute consommation d’alcool.
Autant de facteurs qui peuvent faire considérablement varier les obligations de surveillance et la rigidité de leur interprétation d’une structure à l’autre. La redéfinition d’un socle commun compte parmi les chantiers ouverts actuellement par la Direction de l’administration pénitentiaire (Dap) et les fédérations nationales d’associations qui encadrent des placements à l’extérieur.