Le tribunal administratif vient de donner raison au Syndicat des avocats de France – section Strasbourg (SAF), à l’Observatoire international des prisons – section française (OIP-SF) et à la CGT Insertion Probation qui dénoncent les pratiques mises en place par l’administration pénitentiaire au bénéfice de la préfecture de l’Aube depuis le début de l’année 2025 dans le cadre des protocoles Intérieur / Justice. Ce protocole prévoit notamment que les Services Pénitentiaires d’Insertion et de Probation (SPIP) ou les greffes pénitentiaires procèdent à la prise d’empreintes digitales de personnes détenues étrangères ou binationaux sous surveillance électronique.
La CGT IP avait pourtant dûment dénoncé ce protocole tant auprès de la direction inter-régionale de Strasbourg que de l’administration pénitentiaire ; aucun des deux échelons n’avait souhaité y mettre fin. Le cabinet du ministre a par la suite été saisi, sans réponse à ce jour…
Le juge a estimé que cette pratique est de nature « à créer un doute sérieux sur la légalité des décisions attaquées » tout en opérant la création illégale d’un fichier biométrique et, qu’elle devait donc cesser immédiatement.
Nos organisations avaient donc saisi en urgence le tribunal administratif pour obtenir :
- L’annulation et la suspension du protocole local de coordination signé le 25 janvier 2025,
- la destruction des copies des empreintes déjà collectées,
- et la mise sous séquestre du traitement illégal auprès de la CNIL.
Après une première procédure en référé-liberté, c’est par un référé-suspension que le tribunal administratif a mis fin à cette pratique persistante, qui nie les droits fondamentaux des personnes étrangères et place les agents pénitentiaires dans l’illégalité.
Le juge rappelle par ailleurs que l’usage des données biométriques est strictement encadré : les prises d’empreintes en question ne respectaient aucune règle légale (habilitation, contrôle de la CNIL, etc.). Il souligne également que la préfecture dispose déjà du Fichier automatisé des empreintes digitales (FAED), dont le décret de 2024 a élargi le champ aux personnes étrangères dépourvues de documents.
Il aura fallu huit mois et la détermination de nos trois organisations pour faire reconnaître l’évidence : cette pratique était illégale depuis le premier jour. Cette décision est un véritable camouflet pour les autorités signataires de ce protocole qui se sont sciemment soustraites au respect du cadre d’exercice pour instaurer des pratiques illégales, et discriminatoires à l’encontre des personnes détenues étrangères.
Cette dérive reste pourtant inquiétante. L’administration pénitentiaire, chargée de l’exécution des décisions de justice, se trouve instrumentalisée pour servir la politique migratoire du ministère de l’Intérieur. L’actualisation en plein été de la note DISP sur les permissions de sortir collectives en est une nouvelle illustration : des consignes indignes et stigmatisantes, sans base légale.
Le ministère de la justice doit maintenir la digue face aux politiques sécuritaires et xénophobes. Les personnels comme les associations humanistes n’auront de cesse de se placer du côté des justiciables et de l’équité.
Contact presse : Sophie Deschamps – 07 60 49 19 96 – sophie.deschamps@oip.org