La section française de l'Observatoire international des prisons (OIP) informe des faits suivants :
Durant plus d'un mois, un détenu paraplégique, a été changé trois fois d'établissement pénitentiaire, connaissant dans chacun d'eux des conditions de détention attentatoires à sa dignité. Un traitement similaire infligé à ce détenu a déjà valu à la France une condamnation pour traitement inhumain et dégradant par la Cour européenne des droits de l'homme l'an dernier.
Depuis le 9 septembre O.V., âgé de 38 ans et paraplégique depuis 1989 (il ne peut se déplacer qu’en fauteuil roulant), est incarcéré au centre de détention de Liancourt (Oise), un établissement où il avait déjà été affecté du 2 octobre 2006 au 5 août 2008 et qu’il avait pu quitter pour la maison d’arrêt de Sequedin (Nord) « afin de lui permettre de bénéficier de conditions de détention plus adaptées au handicap dont il souffre et de préparer sa sortie au mieux ».
Les locaux du vieux centre de détention de Liancourt ne répondent en effet pas aux normes d’accueil d’une personne handicapée. Une expertise ordonnée par le tribunal administratif d’Amiens le 7 février 2007 dans le cadre d’un référé-constat déposé par O.V. a relevé notamment « l’exiguïté » de sa cellule (7,20 m²) qui « ne permet pas de se mouvoir facilement à l’intérieur », « la literie [qui] n’est pas conforme à l’état du requérant », un couloir d’accès « n’autorisant pas (…) d’y faire demi-tour » et des pentes d’accès beaucoup trop raides. Cette procédure judiciaire avait conduit l’administration pénitentiaire à proposer à O.V., « en réparation du préjudice subi du fait de [ses] conditions de détention », une indemnisation de 4 000 euros et son transfert à la maison d’arrêt de Sequedin.
Affecté à Sequedin à partir du 5 août, O.V. a dans un premier temps été placé dans une cellule adaptée à son handicap. Le 1er septembre, la direction de l’établissement a cependant décidé de le mettre à l’isolement. Elle le soupçonnait d’avoir organisé un mouvement collectif de détenus, une faute pour laquelle il dit pourtant n’avoir reçu aucune convocation en commission de discipline. Dans les heures qui ont suivi son placement à l’isolement, un médecin a établi un certificat médical attestant que « l’état de santé de santé d’O.V. n'[était] pas compatible à la mise en cellule non équipée pour fauteuil roulant ». Le lendemain, O.V. est sorti du quartier d’isolement, mais a été déplacé à la maison d’arrêt de Loos (Nord), dans une cellule au rez-de-chaussée, totalement inadaptée à son état.
Durant 4 jours, O.V. n’a pu se laver. N’étant pas en mesure d’utiliser les douches collectives et n’ayant pas de douche en cellule, c’est finalement au SMPR (Service médico-psychologique régional) qu’il a pu se rendre pour faire sa toilette. En outre, l’étroitesse de l’embrasure des portes ne permettait pas le passage de son fauteuil. A chaque déplacement, le personnel était contraint de démonter une roue de son fauteuil-roulant, puis de la remonter après le passage de la porte. Le 3 septembre, le service médical attestait : « après examen clinique ce jour, il apparaît clairement que l’état de santé de monsieur O.V. rend incompatible son maintien en détention à la Maison d’arrêt de Loos. Les conditions de détention ce jour sont susceptibles d’entraîner une détérioration rapide et sérieuse de son état de santé. » Interrogée par l’OIP par fax du 3 septembre, la direction de l’établissement répondait le 11 septembre 2008 qu’O.V. avait été « transféré dans un autre établissement pénitentiaire ». Elle affirmait par ailleurs que « les conditions de détention de Monsieur O.V. au sein du quartier maison d’arrêt de Lille-Loos ont été correctes eu égard à sa situation ».
Depuis son incarcération, O.V. a été soumis à plusieurs reprises à de telles conditions de détention et a effectué de nombreux recours contre les atteintes à ses droits et à sa dignité, et notamment devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) qui a conclu dans un arrêt du 23 mars 2007 à la « violation de l’article 3, à raison de l’impossibilité de circuler par ses propres moyens dans la prison de Fresnes ». Dans une lettre au Garde des Sceaux en date du 24 juillet 2008, demandant le transfert d’O.V., de Liancourt vers une cellule adaptée à la maison d’arrêt de Sequedin, la Direction interrégionale des services pénitentiaires de Lille a estimé d’ailleurs qu’ « il y a lieu de penser qu’ O.V. a été encouragé dans sa dérive procédurière par la lenteur de l’administration à prendre en compte le handicap (Loi du 11/02/05) dans la prise en charge des personnes qui lui sont confiées », elle indiquait que « l’impasse dans laquelle O.V. est en train de conduire la direction de l’établissement de Liancourt risque de conduire très rapidement à la prise de décision (placement à l’isolement) nécessaire mais génératrice d’un préjudice réel à l’endroit d’OV qui, affecté dans une cellule sise au premier étage, et non aménagée se trouverait alors de facto privé de commodités nécessaires à son état et de toutes les activités auxquelles il participe » et de souligner qu’ « O.V. dont la fin de peine approche (prévue en 2010) ne comprend pas les rejets successifs de demandes de suspension de peine ou de permission de sortir ».
L’OIP rappelle :
– L’article D.189 du Code de procédure pénale : « A l’égard de toutes les personnes qui lui sont confiées par l’autorité judiciaire, à quelque titre que ce soit, le service public pénitentiaire assure le respect de la dignité inhérente à la personne humaine et prend toutes les mesures destinées à faciliter leur réinsertion sociale ».
– L’article L 114-1 de la Loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées : « Toute personne handicapée a droit à la solidarité de l’ensemble de la collectivité nationale, qui lui garantit, en vertu de cette obligation, l’accès aux droits fondamentaux reconnus à tous les citoyens ainsi que le plein exercice de sa citoyenneté ».
– L’arrêt Vincent c/ France, rendu par la Cour européenne des droits de l’homme le 23 mars 2007, aux termes desquels la Cour européenne des droits de l’homme a considéré qu’il y avait eu « violation de l’article 3, à raison de l’impossibilité pour O.V. de circuler par ses propres moyens dans la prison de Fresnes » et condamné la France à verser 4000 euros à O.V. d’indemnisation pour le dommage infligé.