Elle donne des instructions... et conteste une décision de justice demandant leur mise en œuvre. Les voies de l’administration pénitentiaire (et de sa tutelle, le ministère de la Justice) sont parfois impénétrables.
Saisi par l’OIP, le juge des référés de Melun a enjoint le ministère, le 19 janvier 2015, de « mettre n à l’existence des murets séparant les parloirs » de Fresnes dans un délai de cinq mois. Ce, en application d’une note de la direction de l’administration pénitentiaire (DAP) du 21 mai 2014, demandant d’assurer sans délai leur destruction dans les prisons en étant encore dotées. En application d’une circulaire de… mars 1983 ordonnant de supprimer tous les dispositifs de séparation au sein des parloirs ordinaires.
En toute incohérence, le ministère a formé un pourvoi en cassation contre cette décision du tribunal administratif (TA) de Melun. Il se justifie en rappelant que l’essentiel des installations de séparation, à savoir le dispositif « hygiaphone » (matérialisé à Fresnes par un « grillage fin ») a déjà été supprimé. « Seuls les murets qui en constituaient le socle sont restés en place. » Des murets d’une hauteur de 80 cm, surplombés d’une tablette de 25 cm de large séparant le détenu de son visiteur. Pour le ministère, la présence du muret diminue certes « la possibilité de contact physique entre la personne détenue et son visiteur », mais ne le « rend toutefois pas impossible ». La garde des Sceaux précise encore « qu’aucune poursuite disciplinaire n’est engagée en cas de franchissement desdits murets par les personnes détenues ou par les visiteurs ». C’est heureux. Mais en pratique, ce franchissement est tout de même interdit par certains surveillants, menaçant d’interrompre le parloir, voire de supprimer le permis de visite. Le pourvoi du ministère ajoute que le directeur de Fresnes « doit établir une note de service à l’attention des personnels » pour leur rappeler l’autorisation de franchissement des murets. Ce que demandait déjà la note de la DAP du 21 mai 2014 et n’a donc toujours pas été fait. Autre argument de la Chancellerie : les contraintes budgétaires. Le ministère évalue « le coût de destruction des murets» à un minimum de 250 000 euros – sans toutefois produire le moindre devis. L’argument ne tiendrait pas devant la Cour européenne des droits de l’homme, qui impose aux États membres d’organiser leur « système pénitentiaire de telle sorte de la dignité des détenus soit respectée », quels que soient les obstacles matériels ou financiers. Pour contester le caractère d’urgence de la décision du TA, le ministère ajoute que « le principe de l’absence de séparation dans les parloirs est établi depuis 1983. Il y a donc plus de 30 ans » que le dispositif de Fresnes aurait pu être « contesté » en justice. Une rhétorique confirmant qu’en maison d’arrêt, l’application de la loi peut attendre…
Coordination OIP Ile-de-France