La Cour européenne des droits de l’homme a condamné la France, le 25 avril 2013, pour avoir imposé à un détenu des conditions d’incarcération contraires à l’article 3 de la Convention qui prohibe les « traitements inhumains et dégradants ».
par Nicolas Ferran, responsable pôle contentieux OIP
Détenu pendant six mois à la maison d’arrêt Charles III de Nancy, fermée depuis 2009 en raison de sa vétusté, le requérant partageait avec une autre personne une cellule de 9 m2. La Cour relève qu’un tel taux d’occupation « correspond au minimum de la norme recommandée par le Comité de prévention de la torture (CPT) », pour qui une cellule individuelle de 10,5 m2 occupée par deux personnes est acceptable sous réserve que ces dernières aient la « possibilité de passer une partie raisonnable de la journée, au moins huit heures, hors de la cellule ». En l’espèce, la Cour relève que le requérant ne disposait que d’une possibilité très limitée de passer du temps à l’extérieur de la cellule, restant « confiné la majeure partie de la journée dans sa cellule sans liberté de mouvement », avec pour seule activité une heure quotidienne de promenade dans une petite cour de 50 m2 où se trouvaient de nombreux autres détenus.
Les juges européens rappellent que l’espace alloué à M. Canali « ne justifie pas à lui seul le constat de violation de l’article 3 », d’autres aspects des conditions de détention étant « à prendre en compte dans l’examen du respect de cette disposition », parmi lesquels « la possibilité d’utiliser les toilettes de manière privée, le mode d’aération, l’accès à la lumière et à l’air naturel, la qualité du chauffage et le respect des exigences sanitaires de base ». En l’espèce, elle observe que « les toilettes se situaient dans la cellule, sans cloison, avec pour seules séparations un muret et, en l’absence de réparation de la porte, un rideau ». Le requérant et son codétenu « devaient les utiliser en présence l’un de l’autre, en l’absence d’intimité, étant précisé que le lit était situé à 90 cm de celles-ci ». Dans ces conditions, la Cour considère que « l’effet cumulé de la promiscuité et des manquements relevés aux règles de l’hygiène ont provoqué chez [M. Canali] des sentiments de désespoir et d’infériorité propres à le rabaisser et à l’humilier ». Elle alloue à l’intéressé une somme de 10 000 euros au titre du préjudice moral subi. Un arrêt qui prend la forme d’un vif rappel à l’ordre pour les autorités françaises, alors que de nombreuses personnes détenues dans les établissements de l’Hexagone connaissent des conditions de détention similaires.
CEDH, 25 avril 2013, Canali c. France, n°40119/09