Les grandes centrales syndicales ont parfois du mal à prendre position et à défendre les droits des travailleurs détenus. Revue des positions et réactions.
À la CFDT, « on ne couvre pas ces gens-là »
Alors que nous cherchons à recueillir la prise de position de la CFDT sur l’absence de statut et de droits protecteurs des travailleurs-détenus, nous sommes renvoyés sur la fédération Interco, qui regroupe les syndicats CFDT relevant de nombreux services au public (essentiellement des agents de collectivités territoriales et de différents ministères, dont les ministères de l’Intérieur et de la Justice). Impossible de franchir la barrière du standard : « Ah mais on ne couvre pas ces gens-là nous. C’est pas dans notre champ. Notre champ, c’est le ministère de la justice, et le personnel de surveillance. Donc les travailleurs prisonniers, c’est pas nous. » Ballotée de fédération en fédération, notre demande finit par être orientée sur la Fédération finances… où l’on nous renvoie sur l’administration pénitentiaire, au motif que « les détenus qui travaillent, ce sont des détenus avant tout ». Quand nous parviendrons finalement, contre vents et marées, à joindre la confédération, on nous expliquera que « la difficulté, c’est que les prisonniers n’ont pas le droit de se syndiquer, et le code du travail ne s’applique pas. Du coup, leur prise en charge se fait vraiment à la marge de l’activité syndicale ou associative des uns et des autres. » Tout se passe comme si la position défendue en 2006 à l’occasion du Conseil économique et social sur les conditions de la réinsertion des détenus avait été oubliée, enterrée : à l’époque, la CFDT se positionnait pour « un rapprochement de la condition de détenu travailleur du droit commun ». Dix ans plus tard, les bons sentiments semblent avoir disparu.
Silence embarrassé chez FO
Chez FO, on oppose à notre question un silence embarrassé. « Comme vous l’affirmez très justement, les travailleurs détenus se trouvent dans une zone de “non-droit”. (…) Aussi, nous pensons ne pas être les mieux placés pour vous répondre. » Nous serons réorientés sur le syndicat FO-pénitentiaire, celui des personnels de surveillance. Mais nos e-mails et relances resteront lettre morte. En l’absence de prise de position officielle, nous voilà à rechercher parmi les communiqués de la branche pénitentiaire du syndicat. Et parmi eux, l’un, daté du 24 mars 2017, laisse à craindre que cette branche n’adhère pleinement à l’instrumentalisation du travail comme outil de discipline. Dans ce tract intitulé « Prime à la vermine et à la racaille », FO-pénitentiaire dénonçait l’octroi « honteux », « scandaleux » et « écœurant » d’un poste de travail à un détenu alors que ce dernier avait, dans un autre établissement, participé à une prise d’otage. Au-delà de la question du travail, les principaux syndicats de surveillants pénitentiaires (UFAP, FO-pénitentiaire et SPS) semblent percevoir toute avancée en faveur des droits des détenus comme un recul des leurs. Difficile alors, pour les centrales, de se positionner aux côtés des détenus.
La CGT et Solidaires en soutien
C’est finalement chez Solidaires et la CGT que la cause des travailleurs-détenus trouvera du soutien. Tandis que Solidaires plaide pour l’application pure et simple du droit commun du travail en détention, la CGT considère de son côté que « le statut du travail en prison doit être réformé en profondeur », pour « rapprocher le plus possible en droit, le statut du détenu au travail de celui d’un salarié ordinaire, en lui reconnaissant le droit au travail, un salaire minimum, une formation qualifiante, la totalité des droits sociaux attachés au salaire ». Le syndicat fustige les « tentatives de dumping social faisant des détenus des «sous-salariés» » et exhorte « l’administration pénitentiaire, elle-même en tant qu’employeur » à « respecter le droit du travail à l’égard des personnes détenues qui travaillent ». Deux soutiens de poids dont on espère que la voix sera entendue le moment venu.
Par Laure Anelli